La période de la colonisation française a essaimé à travers le monde des communautés francophones dont les identités se sont construites parallèlement à l'histoire française. La relation originelle à la métropole fait des colons d'abord des exilés, même dans les générations ultérieures. On trouve le témoignage de cet exil dans les littératures qui naissent dans ces communautés : dans le titre du recueil d'Aimé Césaire, "Cahier d'un retour au pays natal", ou chez Gaston Miron, québécois, qui met en exergue du cycle "La Vie agonique", cinquième du recueil "L'Homme rapaillé", ce vers de François Villon : "En mon pays suis en terre lointaine".
Extrait de "La Ballade des contradictions", ce décasyllabe symétrique oppose la proximité de l'adjectif possessif "mon" et la finitude de "pays", au sémantisme de l'adjectif épithète "lointaine" et à l'étendue géographique illimitée de "terre", tout en proposant une comparaison par le parallélisme de construction des compléments de lieu, autour du verbe dont le sujet est absent.
La structure permet une double lecture du vers : il énonce à la fois le sentiment d'étrangeté dans son propre pays, mais aussi le sentiment d'appartenance en un autre. Il exprime en outre un paradoxe logique : la disparition du sujet dans le nulle part de l'entre-deux mondes, en l'exprimant se reconstitue comme sujet et se définit au moins par son absence d'appartenance.
En quoi cette comparaison paradoxale, énonçant la distance d'un sujet absent à un objet non précisé, permet-elle de saisir les ressemblances et les disparités des identités francophones de Miron et Césaire, porte-paroles de communautés marginales à travers des poésies engagées ?
[...] Littératures francophones - "Cahier d'un retour au pays natal", Aimé Césaire et "L'Homme rapaillé", Gaston Miron La période de la colonisation française a essaimé à travers le monde des communautés francophones dont les identités se sont construites parallèlement à l'histoire française. La relation originelle à la métropole fait des colons d'abord des exilés, même dans les générations ultérieures. On trouve le témoignage de cet exil dans les littératures qui naissent dans ces communautés : dans le titre du recueil d'Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, ou chez Gaston Miron, québécois, qui met en exergue du cycle La Vie agonique cinquième du recueil L'Homme rapaillé, ce vers de François Villon : En mon pays suis en terre lointaine Extrait de La Ballade des contradictions ce décasyllabe symétrique oppose la proximité de l'adjectif possessif mon et la finitude de pays au sémantisme de l'adjectif épithète lointaine et à l'étendue géographique illimitée de terre tout en en proposant une comparaison par le parallélisme de construction des compléments de lieu, autour du verbe dont le sujet est absent. [...]
[...] Ainsi, les littératures francophones de Miron et Césaire réalisent aussi une distance littéraire à travers l'écriture de l'exil. Dans cet espace ouvert où se dit la nostalgie historique d'une terre natale idéale, abîme entre une absence idéale et une présence insatisfaisante, est englouti le je ; l'écriture de l'exil est alors lieu de la quête identitaire. L'identité est mise en cause dès le titre du recueil de Gaston Miron, par l'emploi de l'article défini, à valeur de référent unique, qui peut renvoyer au moi du poème. [...]
[...] Miron aussi produit du discours politique au cœur du poétique, l'un étant engendré par l'autre et réciproquement, à la page 121 par exemple, dans Aliénation délirante : alors tu ré-entends parler de la personne Humaine tu entends un nommé Dean Rusk demander aux peuples libres qui croient en cette même Personne et en ses Droits inaliénables de resserrer le blocus autour de Cuba économiquement, politiquement et spirituellement et tu entends un certain Cabot Lodge protester au nom encore de cette même Personne et de ses Droits de la sauvagerie de la barbarie d'un attentat du Viêt-Cong contre trois innocents officiers américains et qui demande aux peuples libres de condamner de telles méthodes Il semble que l'insécurité de leur appartenance nationale les rende plus proches de l'humain que les structures étatiques régissent, et leur permettent une pensée politique hors de l'idéologie. Tous deux engagés politiquement dans la vie, ayant en charge des fonctions publiques, ils font de la poésie un lieu de prolongement de leurs combats humains. [...]
[...] Cette méconnaissance va jusqu'au paradoxe absolu : je suis mon hors-de-moi et mon envers à la page 96. Dans l'accumulation des formules à vocation déterminante se lit le paradoxe, l'incertitude et la fragilité de l'identité du moi qui tente de se dire dans ces pages. Césaire lui aussi disparaît dans le mouvement contre les Antilles, qui occupe la première moitié du recueil jusqu'à la page 40 : occupé à la description des Antilles malades, le moi du poème se fait conscience donnant à voir, mais affirmant sa présence seulement en creux, par le regard porté. [...]
[...] Le Québec, après avoir été une colonie française, jusqu'au Traité de Paris de 1763 par lequel il a été cédé à l'Angleterre, acquiert son indépendance en 1931. Encore aujourd'hui sous la souveraineté symbolique de la reine d'Angleterre, c'est donc un pays jeune. Son lien à une métropole ancienne est donc toujours d'actualité, et l'était d'autant plus lorsque Miron écrivit ces vers, et la distance à la terre d'origine a été dédoublée par le passage de la nationalité française à la nationalité anglaise. [...]
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