Rythme en littérature, littérature mythologique, rythme de l'âme humaine, Benvéniste, évolution de l'homme, Jules Laforgue, Agrippa d'Aubigné, âme du poète, inspiration poétique, rythme poétique, de Jean-Luc Lagarce, Gérard de Nerval, écriture musicale
La littérature a pour sujet et pour objet l'homme, elle traite du rapport de l'individu au monde. Même la littérature mythologique place l'homme au centre : il s'agit de rendre compte du regard porté sur des variations divines. Mais l'homme est un être contingent : il change et évolue, il est balancé par le mouvement du monde. Il y a donc un rythme dans l'âme humaine. En effet, l'homme évolue dans le temps et celui-ci n'est pas toujours "plat". Au contraire, le rythme constitue des variations fondamentales au sein de la vie de l'homme. Benvéniste montre dans un article du premier volume des "Problèmes de linguistique générale" que le rythme caractérise à l'origine une disposition particulière et contingente d'un objet incertain.
Cela semble particulièrement adapté à la nécessité littéraire de rendre compte de l'homme tel qu'il évolue dans le temps. En effet, l'âme est fuyante et imprévisible. Ainsi, le rythme apparaît comme essentiel en littérature, en raison de la place centrale offerte à l'homme. La littérature est donc le lieu de retranscription d'un rythme au sens original, contingent et surprenant. C'est comme un être de rythme que le poète Jules Laforgue caractérise l'homme. Ses "Complaintes", dont la forme connote la monotonie et la nostalgie, la tristesse, composent un ensemble littéraire qui renferme en soi l'idée d'homme qui vit dans une dimension temporelle et rythmée.
[...] Les Essais ont dans leur titre l'impossibilité de l'écriture certaine et assurée de l'âme. Le rythme de l'écriture est une tentative de circonscrire les mouvements d'une âme qui ne peut être circonscrite. Ainsi, l'écriture des Essais se fait en plusieurs temps et l'auteur est un adepte des retouches correctives : la phrase la plus célèbre de Montaigne est le résultat d'un travail progressif et étendu dans le temps. Dans l'essai l'amitié », il écrit en 1580 : on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer ». [...]
[...] La littérature apparaît donc comme le lieu d'élaboration du rythme nécessaire pour rendre compte de l'âme dans sa dimension temporelle, active et sensible. C'est le rythme et ses variations qui permettent de rendre compte de l'ensemble des déclinaisons possibles de l'âme. Dans la pièce Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, Louis fortement occupé » par l'idée de sa mort imminente. Après douze ans d'absence, il retourne dans sa famille afin d'annoncer sa mort prochaine. Sa mère, son frère, sa belle-sœur et sa sœur ne comprennent pas le message de Louis qui tente en vain de trouver les mots nécessaires à l'aveu. [...]
[...] Selon lui, vouloir atteindre la vérité particulière du sentiment est du ressort de l'histoire. En revanche, l'imitation poétique cherche à atteindre une dimension générale, imaginaire et donc envisageable par tous. Aristote joint l'« instinct d'imitation » à la et au essentiellement. Il y a donc une imperfection du rythme qui le rattache à l'imitation. Chez Agrippa d'Aubigné, un programme est établi au début des Tragiques. Dans l'Avis aux lecteurs, le poète expose la disposition de son œuvre il y présente les sept livres, la façon dont les épisodes se succèdent, mais aussi la progression de son poème. [...]
[...] pour annoncer, dire, seulement dire, ma mort prochaine et irrémédiable, l'annoncer moi-même, en être l'unique messager, et paraître peut-être ce que j'ai toujours voulu, voulu et décidé, en toutes circonstances et depuis le plus loin que j'ose me souvenir et paraître pouvoir là encore décider, me donner et donner aux autres, et à eux, tout précisément, toi, vous, elle, ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard et tant pis), me donner et donner aux autres une dernière fois l'illusion d'être responsable de moi-même et d'être jusqu'à cette extrémité, mon propre maître. » Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, prologue. Visuellement, la page apparaît comme déstructurée. Mais le propos l'est également, le mouvement de l'âme étant montré à travers le retour, la réflexion, dans l'usage répété de formules telles que annoncer », donner et donner aux autres ». À travers ces retouches correctives, l'âme se manifeste dans son cheminement. [...]
[...] La brièveté des segments constitue un rythme renforcé par l'absence de verbe dans des phrases comme de pompe. » La déstructuration de la dernière phrase achève de bousculer le rythme afin de connoter l'impuissance de Bardamu, son caractère passif. Le « métro émotif » (Entretiens avec le professeur que Céline définit est précisément le travail d'un rythme qui veut recréer une musique propre à la vie : Si je vais « m'inspirer » comme on dit, ce n'est certainement pas dans les lectures choses mortes mais dans les éléments vivants. J'ai piqué mes trilles dans le music-hall anglais ( . dans le rythme, la cadence, l'audace des corps et des gestes. » Céline, lettre à Albert Paraz septembre 1949. [...]
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