La littérature et le réel

Résumé du document

L'essor au cours du XXe siècle d'une critique littéraire qui ne se limite plus seulement à quelques œuvres précises, mais aspire bien à une théorisation de la littérature, avec la volonté d'aboutir progressivement à une remise en cause des définitions antérieures, données entre autres par les académismes et les avant-gardes littéraires et artistiques, arrive à une définition de la littérature purement raisonnée, logique et construite.
C'est dans ce contexte qu'en 1975, Gao Xinjiang écrit dans son ouvrage La Raison d'être de la littérature que « [la] littérature n'est pas uniquement une copie de la réalité, elle en traverse les couches extérieures et la pénètre jusque dans ses tréfonds ; elle est le révélateur de l'imaginaire et s'envole très haut au-dessus des représentations communes, adoptant un point de vue macroscopique pour dévoiler les tenants et les aboutissants des situations. »

Extraits

[...] On peut considérer l'œuvre Les Soleils des indépendances, rédigée par Ahmadou Kourouma entre 1963 et 1969 date de sa publication par les éditions du Seuil comme un parfait exemple pour étayer le fait que la littérature puisse rendre le réel plus intelligible. En effet, Les Soleils des indépendances dépeint l'Afrique noire équatoriale du début des années 60, c'est-à-dire peu de temps après la décolonisation. Or, cette période est souvent considérée comme chaotique, au vu des nombreux événements qui s'y déroulent en un laps de temps très court, ce qui fait que la simple mention des dates et événements historiques ne permet pas de rendre compte d'une réalité beaucoup plus complexe et altérée qu'elle le semble de prime abord. [...]

[...] Au rôle de visualisation que joue le langage lui-même, et au potentiel de révélation d'une œuvre par la lecture orale s'ajoute une troisième dimension que l'on trouve dans la mise en scène théâtrale, puisque c'est enfin par les gestes, la mise en scène, les effets spéciaux et les jeux scéniques que le metteur en scène et parfois l'auteur va peaufiner au maximum ses effets de langages, de compréhension, et le caractère littéraire de l'œuvre. L'un des exemples les plus flagrants est bien sûr la comédie Dom Juan de Molière. En effet, la mise en scène prend toute son importance dans cette pièce puisque suivant les metteurs en scène, certains passages essentiels de l'œuvre vont prendre des tournures diamétralement opposées. [...]

[...] Le propos de Gao Xinjiang dans son texte critique sur la littérature est de démontrer que la littérature est un art ou une discipline qui participe d'une meilleure appréhension de la réalité. Or, on pourrait penser dans un premier temps que la littérature a une place et une fonction bien définies par le fait qu'elle découle directement de la réalité par plusieurs aspects, et serait donc limité dans une sorte de mimésis du monde sans pouvoir évoluer vers autre chose, fonctionnant en une sorte de système autarcique et inerte. [...]

[...] Enfin, la littérature est étroitement liée et dépendante de la réalité à cause d'un réalisme que l'on pourrait qualifier de forcé, et qui ne relève finalement que peu du choix de l'auteur de l'œuvre littéraire. En effet, la littérature dépend, comme je l'ai montré, d'un langage qui appartient au réel, mais également de plusieurs autres systèmes sans lesquels la compréhension, même purement esthétique, des œuvres serait impossible : de fait, les effets argumentatifs, rhétoriques et de communication verbale comme non verbale (l'omission) sont des éléments qui participent largement du sens de l'œuvre. [...]

[...] Ainsi, bien que liée à la réalité, la littérature parvient à s'en extraire par divers procédés qui lui sont propres, soit en révélant par le biais de l'œuvre dans sa totalité un sens qui n'était pas compris dans les sèmes individuels qui la constituent, soit en mettant en place une fiction qui nie en quelque sorte le réel. Les œuvres littéraires permettent cependant d'aller même plus loin, et de comprendre le réel qu'elles dépeignent en plus de s'en émanciper partiellement. Les œuvres qui nous parviennent à l'heure actuelle, quelle que soit leur date d'écriture et/ou de publication, sont le fruit d'un contexte qui est fondamentalement différent puisqu'il appartient au passé. [...]