A travers leurs oeuvres, les écrivains moralistes du XVIIe siècle, tentent, selon une définition de Todorov, de « s'attacher aux contradictions du monde qu'ils cherchent à interpréter ou de mettre en évidence leurs propres tensions internes ».
Cette citation montre bien la tension entre le regard jeté sur les hommes en société, et sa position en marge de cette société est ambiguë et pose problème. Dans la revue « Les Temps modernes » Francis Jeanson écrit que « Le moraliste, tôt ou tard, se situe en marge des hommes : il n'est plus que regard jeté sur leurs agitations et peut les condamner sans courir lui-même aucun risque » (...)
[...] Le moraliste ne se situe pas totalement en marge des hommes pour les condamner mais se retire du monde face à cette incompréhension et cette déception de la réalité de la société humaine. Ainsi dans le Misanthrope, Alceste décide de se retirer de la vie mondaine ; son désenchantement et son regard désabusé sur le monde de la cour débouchent pour lui sur une solitude absolue. De même pour La Bruyère, l'honnête homme se trouve dans les campagnes, il est en marge de la vie hypocrite de la cour, dans la remarque 67 De la cour il écrit que Un noble, s'il vit chez lui dans sa province, il vit libre, mais sans appui ; s'il vit à la cour, il est protégé, mais il est esclave : cela se compense Ainsi La Bruyère rejoint à cette occasion le thème philosophique de la solitude ; il préfère à la vie agitée et factice de la cour, une retraite tournée vers la réflexion sur soi : Un esprit sain puise à la cour le goût de la solitude et de la retraite Dans sa fable le juge-arbitre, l'hospitalier et le solitaire au livre XII, La Fontaine met en scène deux personnages aux agitations frénétiques qui veulent soulager les souffrances humaines. [...]
[...] Tout d'abord nous verrons que les moralistes font une critique acerbe de la société, ensuite que le moraliste est à distinguer du moralisateur, il garde un rapport d'égalité avec ses lecteurs, et enfin, le moraliste se confond avec la figure de philosophe qui se retire du monde non pas pour condamner mais pour entreprendre une méditation sur la condition humaine et sur lui-même. I / Une critique acerbe de la société Le moraliste fait une peinture des mœurs de son temps et possède un regard totalement descriptif. La Bruyère dans ses Caractères revendique sa volonté d'être dans une pure description des apparences ; les Caractères évoquent dans le vocabulaire de l'imprimerie un signe extérieur, une apparence. [...]
[...] Par exemple, chez La Fontaine on retrouve une figure du roi récurrente sous l'apparence du lion. Ainsi la fable la cour du lion peint une cour effrayante qui est décrite comme un charnier L'atmosphère est irrespirable, empoisonnée ce qui symbolise la corruption générale. Cette vision du fabuliste repose sur un paradoxe : la Cour devrait être le lieu le plus civilisé (c'est le comble du raffinement intellectuel, culturel et social) mais au contraire elle est le lieu où la brutalité domine. [...]
[...] Le moraliste s'intègre dans son propre constat de la société humaine. La Fontaine, pour répondre à cette attente du lecteur d'un divertissement, fait le choix d'une forme discontinue, celle de la fable. De manière générale, les moralistes ont recours à ce choix que se soit des maximes ou des remarques (Les Pensées de Pascal, Les Caractères de La Bruyère). Chez La Fontaine, l'emploi du nous dans les chutes ou les morales crée une implication du lecteur. De plus l'utilisation de l'allégorie animale est aussi bien un outil rhétorique de divertissement - on remarque l'exergue diversité c'est ma devise - qu'une arme pour déjouer la censure. [...]
[...] Le personnage de Tartuffe s'exprime régulièrement par des formes brèves comme la sentence ou la maxime, comme par exemple dans la scène 3 de l'acte III : Que le ciel à jamais par sa toute bonté / Et de l'âme et de corps vous donne la santé Ce dévot est tourné en ridicule car il est en complète contradiction avec l'image austère prônée par les moralistes, en effet Tartuffe est gras et aime la bonne chair. Cette satire de la fausse dévoterie dénonce l'attitude du moralisateur mais pose la question du bien fondé du moraliste. Il cherche à délivrer les autres des apparences mais n'est-il pas lui-même, comme l'écrit Patrice Soler, un imposteur qui s'enchante brillamment des apparences qu'il dénonce A l'origine de ces phénomènes c'est la faiblesse humaine qui est mue en cause. [...]
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