Sophocle, Electre (Sophocle, Tragédies, édition Folio Classique, 1998, p286-291). Eschyle, Les Choéphores (Eschyle, Tragédies Complètes, édition Folio Classique, 2001, p360-364). Les passages que nous allons étudier sont, à la fois dans l'Electre de Sophocle et dans les Choéphores d'Eschyle, la scène finale de la tragédie, c'est-à-dire le meurtre de Clytemnestre et de son amant Egisthe. Electre et les Choéphores sont deux tragédies grecques antiques ayant pour même point central ce matricide. Chez Eschyle, Electre apparaît avant tout comme une jeune fille vertueuse, soucieuse de l'honneur de son père assassiné en punissant par la loi d'Apollon, le talion, à savoir punir le crime par le crime, sa mère meurtrière et son complice. Chez Sophocle, Electre est vue comme une personne dotée d'une haine épouvantable contre sa mère et son amant, le seul but de son existence étant de les voir périr tous les deux afin de venger son géniteur. C'est Oreste, son frère jusqu'alors disparu, qui va se charger de cette mission. Toutefois, ce meurtre qui constitue le drame d'Electre et des Choéphores, n'est rendu possible que grâce à une pièce jouée à l'intérieur de la tragédie par Oreste et son précepteur visant à faire passer celui-ci pour mort afin de tromper la vigilance d'Egisthe et de Clytemnestre. Oreste se pose chez Sophocle comme un personnage d'action rapide qui semble poussé par une force supérieure, divine, vers son destin, contrairement à se qui se passe chez Eschyle où il apparaît sous des traits plus humains, doutant au moment de frapper fatalement sa mère. Cette distinction pousse le spectateur à s'interroger sur la notion de justice dans les deux tragédies par le biais du personnage d'Oreste. En effet, ce matricide est il commandité par la justice divine faisant d'Oreste le héros tragique, sauveur des Atrides ou, au contraire, le héros n'est-il que le simple instrument d'une vengeance humaine, manipulé par la haine d'Electre ?
[...] À la différence d'Eschyle, Sophocle n'insiste pas sur la tragédie familiale. Il n'est en effet question dans Electre, ni des Erinyes ni d'hésitation devant le matricide. Il décrit les comportements, les actes, rapporte les paroles, bref, expose l'implacable mise en place du meurtre. Par ailleurs, Oreste peut également être vu comme le simple instrument de la vengeance d'Electre. La justice de cette dernière est la loi du talion, punir le crime par le crime. Son regard est brouillé par sa haine, focalisée sur sa mère et sur Egisthe, elle et Oreste n'échappent guère au reproche d'être des tueurs. [...]
[...] (le chœur) Contrairement aux Choéphores, dans Electre, c'est Clytemnestre qui est exécutée la première par Oreste, lequel ne prononce pas une parole durant l'acte criminel, puis Egisthe est à son tour éliminé. Le spectateur éprouve une pitié horrifiée à la mort des deux amants égorgés par des tueurs dont on sent qu'ils ne souhaitent aucune discussion. Il faut tuer sans discours, qu'importe l'ordre des meurtres. Au contraire, chez Eschyle, Oreste doute au moment de la frappe. - Pylade, que ferai-je ? [...]
[...] Si une conciliation intervient ou devient possible, le tragique disparaît, car souvent l'enjeu du drame dépasse le destin particulier du héros. Dans Electre, c'est le salut de Mycènes, à la fin de la pièce. Intérêt public et privé se concilient ou non, par exemple, le salut de la cité exclut celui d'Oedipe dans Oedipe-roi, il n'exclut pas celui d'Oreste et de sa sœur dans Electre. Cette dernière est inséparable de son histoire, qu'elle soit vertueuse ou haineuse, qu'elle soit poussée par Apollon ou qu'elle exerce sa propre justice, elle incarne l'amour filial dans toute sa beauté. [...]
[...] En effet, après la scène des retrouvailles entre le frère et la soeur, Oreste énonce son plan, la froideur de son discours ne laisse pas de place au doute. Il symbolise le héros de la certitude ; Electre, dont la plus grande arme est la parole, faite pour blesser, s'efface et Oreste prend l'action en main sous l'influence d'Apollon. Il perçoit en effet le songe de Clytemnestre comme un oracle du dieu, ce qui le met définitivement en confiance. Poussé par la force divine, il parait n'avoir d'autre issue que d'accomplir sa destinée. [...]
[...] Malgré le sang répandu, Electre est un drame qui se termine bien. À la fin des Choéphores, Oreste est halluciné par les Erinyes qui veulent venger sa mère. Ce n'est pas le sujet que traite Sophocle. Electre retrouve son frère et l'ordre est rétabli à Mycènes, la dynastie peut continuer. Les derniers mots du Coryphée expriment sa joie. Le meurtre de Clytemnestre est l'expulsion du tyran dont le corps sera abandonné, mais Sophocle passe sous silence la présence des Erinyes après le meurtre de la reine. [...]
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