Il semble difficile d'imaginer l'homme dépourvu de désir tant ce dernier peut sembler inséparable de l'existence même. Du latin desiderare, « regretter l'absence de quelqu'un ou de quelque chose », le désir est « une tendance du sujet vers un objet, réel ou imaginé, une force qui le pousse à l'action ». La littérature dépeint les humains sous maintes impulsions, notamment celle du désir. Les écrivains utilisent souvent le conte populaire, le fantastique ou le mysticisme pour glisser une histoire moralisatrice. Le lecteur assiste alors à l'apparition d'éléments surnaturels dans un contexte ordinaire où le héros succombera ou non à la tentation et à l'envie qu'éveilleront des démons tentateurs. Dès lors survient l'inévitable pacte avec le diable dont la convention sous-entend « Je t'offre le bonheur contre ta vie ou ton âme ». Ce pacte vise alors toute circonstance où, par un procédé magique quelconque (accord avec le Diable, talisman...), le démon se met au service d'un individu qui peut obtenir ainsi facilement le bonheur (ou du moins l'idée qu'il s'en fait) en échange d'une aliénation funeste dont l'individu ne perçoit pas à priori la gravité. Le pacte avec le diable est un thème récurrent de la littérature fantastique parmi laquelle trois oeuvres constituent une réflexion sur le désir : Faust I et II de l'allemand Johann Wolfgang von Goethe, traduit en français par Jean Malaplate ; La Peau de Chagrin du français Honoré de Balzac, roman qui fait partie intégrante des "Etudes philosophiques de la Comédie humaine" ; L'histoire merveilleuse de Peter Schlemihl ou l'Homme qui a vendu son ombre, conte écrit par l'allemand Adelbert von Chamisso qui, avec son frère Hyppolite, a participé à la traduction française. Ces auteurs mêlent mysticisme et réflexions philosophiques, principalement la question essentielle du désir, et illustrent jusqu'où l'homme serait prêt à sacrifier pour assouvir ses désirs.
Toutefois, comment le diable éveille-t-il le désir humain et, dans la mesure où le pacte comblerait les désirs, ce dernier apporte-t-il le bonheur ?
Trois axes directeurs guideront notre approche : dans un premier temps, nous présenterons le comportement de l'individu face aux symboles du désir ; dans un second temps, nous aborderons comment le diable tente de raviver la puissance du désir et des tentations sur l'être humain afin de le pousser à consentir à certaines conditions ; dans un dernier temps, nous verrons quels sont les conséquences de la satisfaction de ces désirs et, partant de là, s'ils mènent au bonheur, engagement qu'est censé respecter le pacte (...)
[...] Il est en fait conçu pour être périodiquement ravivé et c'est bien par une action d'abord extérieur au sujet. Le rapport d'interdépendance entre l'individu et la société par l'intermédiaire du désir peut être comparé à la relation entre l'homme et le diable. En effet, tel la société, le diable est tentateur par ses discours, rend les désirs accessibles. Le diable est, dans ce cas, en ce qui concerne les désirs, une métaphore de la société. [...]
[...] Il a écrit un conte qui emprunte le thème de l'ombre mais qui diffère de celui de Chamiso dans le sens où le conte d'Andersen termine assez mal. Un savant se met, en manière de plaisanterie, à ordonner à son ombre de se séparer de son corps. Puis une nouvelle ombre a repoussé L'ancienne ombre, des années plus tard, rend visite à son ancien maître qui le reçoit chaleureusement. L'Ombre est transformée : elle est devenue corps, riche et a beaucoup de connaissances. L'Ombre propose un voyage au savant à condition que le savant voyage gratuitement à ses côté en qualité d'ombre. [...]
[...] Le Diable représente la Tentation qui veut éveiller l'envie pour le pousser au péché, au mal. Dans l'œuvre de Balzac, La tentation est représentée par la Peau de chagrin qui réalise tout les désirs de son possesseur, mais aussi l'Antiquaire (qui n'a d'ailleurs pas de nom propre), autre élément majeur du fantastique, personnage mystérieux souvent comparé par Balzac à Méphistophélès (à deux reprises). Le portrait de l'Antiquaire suggère qu'il s'agisse, à part peut-être de Méphistophélès en personne, d'un envoyé du diable. [...]
[...] L'homme qui saisit les conséquences souvent mauvaises et malheureuses de la satisfaction de ses désirs, et qui comprend bien tard, hélas, que seul Dieu, même dans la servitude, peut permettre le bonheur, essaie parfois de s'y opposer. Pourtant le véritable problème n'est pas vraiment de supprimer le désir, mais plutôt de l'orienter dans la bonne direction. Le désir fait partie de l'ordre du monde. Comme dirait Balzac, dans son Introduction aux Etudes philosophiques (1834), pour commenter le dessin en forme d'arabesque qui introduit le roman La Peau de Chagrin, il n'y avait d'autres ressources, pour la généralité des hommes, que de se laisser aller à l'allure serpentine de la vie, aux ondulations bizarre de la destinée En revanche, nous constatons que la société, dans un but moralisateur, condamne les désirs. [...]
[...] Le savant était presque dans la servitude de l'Ombre, satanique et satirique. Le savant se révoltera contre cette humiliation et cette aliénation, il la menace de divulguer la vérité à tous ceux qu'elle a trompés. L'Ombre donne alors l'ordre de faire tuer le savant. En créant une histoire sur le cynisme des ombres, Andersen développe un aspect que Chamisso a laissé de côté, c'est-à-dire la valeur diabolique de l'ombre, tant aimée des diables. L'ombre, ce n'est que la preuve humiliante de la chair (selon Georgette Camille, dans le Romantisme allemand). [...]
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