Liaisons dangereuses lettre 150, Choderlos de Laclos (1782), écriture de l'intime, lettre, passer un message, raconter une histoire, dialogisme, échange, écriture épistolaire, quête individualiste, expression de soi
"Le soi est quelque chose sur lequel il y a matière à écrire, un thème ou un objet de l'activité de l'écriture" écrivait Michel Foucault. L'Homme est un être sensible doué de sentiments, qu'il cherche à exprimer de quelconque façon, au travers de l'échange avec autrui ou avec lui même. Il existe pour cela de nombreuses manières d'exprimer ce que l'on a sur le cœur, que ce soit par le biais de la parole, de la gestuelle ou encore de l'écriture. De ce fait, nous pouvons avancer que la lettre se présente comme un support idéal à cet effet. Depuis l'antiquité, la lettre est utilisée afin de faire passer un message, de raconter une histoire ou de faire passer des idées. Elle s'inscrit dans un certain dialogisme puisqu'elle anime un échange entre le destinateur et son destinataire.
[...] Le chevalier de Danceny maintient cette idée en s'adressant à la marquise de Merteuil, lettre 150 : « Que dira-t-elle (la lettre), qu'un mot, un regard, ou même le silence n'exprime cent fois mieux encore ? » Il reconnaît que l'on ne peut exprimer la sincérité aussi bien dans une lettre que lorsque l'on s'adresse directement à quelqu'un. En effet, la rencontre permet d'user de bien d'autres moyens de communiquer que la lettre ne peut traduire. Dans une rencontre, on est présent physiquement, le corps s'ajoute à la parole pour transmettre ce qu'il y a dans le cœur. Ainsi nous disposons de bien d'autres façons de nous faire comprendre, en une seconde, par autrui qui sait traduire la gestuelle qui nous trahit. [...]
[...] « J'ai ta lettre, ta douce lettre ( ) ta lettre qui est toi même. » Ici nous retrouvons l'idée exprimée précédemment par le chevalier de Danceny, soutenant que la lettre est le reflet de l'individu. « Sous chaque syllabe, sous chaque mot je trouve ce mot “je t'aime”. » Il semblerait que la lettre devienne non seulement la représentation de son auteur, mais aussi l'incarnation de l'amour qu'il lui porte. Si nous avons émis précédemment que la relation épistolaire impose une certaine distance entre les individus, nous pouvons observer qu'elle a également la possibilité de les rapprocher. [...]
[...] Dans la lettre 33 des « Liaisons dangereuses », la marquise de Merteuil écrit au vicomte de Valmont que la lettre qui prétend au vraisemblable doit être déstructurée « Enfin le discours moins suivi amène plus aisément cet air de trouble et de désordre, qui est la véritable éloquence de l'amour ». Elle accuse le vicomte de se trahir dans ses lettres qui sont trop ordonnées pour refléter un véritable amour. Ainsi nous pouvons constater que la lettre se prête idéalement à l'expression des passions puisqu'elle reflète les mouvements de l'âme. Dans un deuxième temps, il s'agira ici de nuancer que le support de la lettre impose une certaine distance pouvant nuire à l'expression vraisemblable des sentiments et confiner l'auteur dans un certain isolement. [...]
[...] Finalement, la lettre de par son support, est davantage un monologue qu'une expression sincère et véritable de l'intime. C'est une expression isolée, froide et éloignée de l'amour, nous pouvons en conclure que l'absence criante de réponse qui est propre à l'épistolaire laisse l'auteur de la lettre dans une sorte d'isolement. Il s'agira de démontrer par la suite que cet isolement favorise une prise de conscience de soi au travers de l'écriture qui révèle la vraie nature de l'auteur. Finalement, l'écriture intime apparaît également comme une instrumentalisation de la pensée dans une perspective individualiste. [...]
[...] « Être cruel et malfaisant, ne te lasseras-tu point de me persécuter ? » Lettre 161. En 1761, Diderot écrit « la Religieuse » dans le but de tromper l'un de ses amis. Il use de sa plume afin de faire croire à son ami le marquis de Croismare, qu'une religieuse échappée du couvent aurait besoin d'aide. Mais il s'agit en fait d'une tromperie méditée par Diderot afin d'attirer son ami à Paris. Dans ce cas l'auteur a également usé de son écriture afin de faire croire à des sentiments sincères et ainsi manipuler son destinataire. [...]
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