Lettres de 1671, Marie de Rabutin-Chantal, Mme de Sévigné, Mme de Grignan, Lettres Portugaises, Mariane, genre épistolaire, correspondance authentique, fonction phatique du langage, écriture pour soi, écriture pour l'autre
"J'écris plus pour moi que pour vous, je ne cherche qu'à me soulager", écrit Mariane à son amant dans la quatrième des Lettres portugaises de Guilleragues. Dans quelle mesure cette formule vous semble-t-elle pouvoir s'appliquer aux Lettres de 1671 de Madame de Sévigné ?
L'une des années les plus importantes dans la correspondance de Marie de Rabutin-Chantal, soit la marquise de Sévigné, avec sa fille Madame de Grignan, est l'année 1671 durant laquelle cette dernière part en Provence au mois de février. Dans les Lettres Portugaises de Guilleragues, auxquelles Madame de Sévigné fait référence à plusieurs reprises, Mariane écrit dans la quatrième lettre à son amant : "J'écris plus pour moi que pour vous, je ne cherche qu'à me soulager". Le style épistolaire de Madame de Sévigné peut s'apparenter à celui de Mariane.
[...] Quoiqu'il en soit, Madame de Sévigné s'adresse à un lecteur et pour se faire, elle prend le rôle d'un auteur. Les Lettres de 1671 n'ont pas été écrites pour être publiées et leur publication est posthume. Malgré cela, la frontière entre épistolière et auteur épistolaire est floue. Ses lettres sont ambiguës. Alors que, selon Bernard Raffali dans l'introduction des Lettres de Madame de Sévigné (GF Flammarion), la marquise cherche à convaincre que son écriture est celle de la spontanéité pure, d'une spontanéité qui rendrait parfaitement compte de sa sincérité profonde ses lettres sont incontestablement pourvues d'une forte littérarité. [...]
[...] La lettre est le seul moyen de communication qui permet de rattacher la mère et sa fille. Leur amour ne tient plus que sur un échange épistolaire, avec le risque que les envois soient perturbés par la poste. Dans La Voix humaine de Jean Cocteau, pièce en un acte écrite en 1930, une femme est accrochée à son combiné de téléphone, en conversation avec son amant. Leur amour ne tient plus qu'à un fil, au sens propre comme au sens figuré. [...]
[...] Les lettres sont étonnamment longues. On peut dire que la marquise, au lieu d'avoir le syndrome de la page blanche, a celui de la page noire Elle peine à achever ses lettres à temps, alors que le porteur des lettres est prêt à partir. Elle avoue même à sa fille que si le temps le lui permettait, elle écrirait davantage. De plus, il lui arrive de commencer certaines lettres et de les finir plus tard dans la journée voire le lendemain. [...]
[...] Les lettres sont la trace d'une époque, d'un passé. Les Lettres Portugaises, publiées en 1669, ont été dans un premier temps considérées comme vraies c'est à dire comme des lettres véritablement écrites par la religieuse portugaise, avant d'être attribuées à Gabriel de Guilleragues, et donc d'être considérées comme fictionnelles. Étant donné que le lectorat a pu croire à l'éventuelle véracité de ces cinq lettres, la frontière entre réalité et fiction est étroite, tant le style de l'auteur vise le réalisme, entre une œuvre littéraire et une correspondance intime et privée. [...]
[...] À travers cette conversation écrite Madame de Sévigné cherche à cultiver sa complicité avec sa fille. Elle veut que sa fille retrouve la mère qu'elle a quitté à travers la lecture de ses lettres, d'où la dimension orale et intime des lettres, comme si les lettres n'étaient que des retranscriptions d'une conversation orale. La marquise parle aussi beaucoup de ce qui s'appelle la pluie et le beau temps à sa fille, comme elle le dit dans la lettre 52. Ce type de discours renvoie sans contexte à la conversation orale et à sa fonction phatique. [...]
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