Etude synthétique réalisée en cours de Master 1 de Lettre Modernes de la production épistolaire de Julie de Lespinasse et la place des femmes dans la littérature du 18ème siècle en France.
[...] Plutôt que de se confiner dans l'espace domestique, elle mène à partir de l'espace semi-public du salon une vie intellectuelle active. En dépit d'accès d'ennui et de désespoir, en dépit des critiques qu'elle adresse aux aspects futiles de la mondanité, elle trouve dans cette vie des satisfactions importantes. Pour se sentir exister, elle n'a pas seulement besoin d'une passion amoureuse, mais aussi d'une intense activité culturelle et sociale. Si elle partage l'amour passion fondé sur la transparence, elle n'adopte pas pour autant la transformation de cet amour en harmonie familiale. [...]
[...] Répudiant la galanterie pour valoriser l'intensité du sentiment, les lettres de Julie contribuent à une redéfinition du rapport amoureux entre l'homme et la femme, dans une conception proche de celle de Rousseau. Le point de vue féminin y introduit toutefois une importante modification des perspectives, puisque le sentiment passionnel y coexiste avec le désir d'une intense activité intellectuelle. L'amoureuse qui se donne pleinement est aussi une femme indépendante, profondément engagé dans la vie culturelle de son temps. Le salon et la lettre Il semble que Julie de Lespinasse affirme préférer à toute chose son intimité avec Guibert, et n'éprouver que de l'ennui pour la vie mondaine. [...]
[...] Les lettres du comte de Guibert n'ont été que partiellement conservées mais celles de Julie de Lespinasse ont, quant à elle, été recueillies et publiées après sa mort, d'abord en 1809, puis dans leur ensemble par Eugène Asse en 1876 et par le comte de Villeneuve en 1906. Si les lettres de Julie gardent aujourd'hui leur intérêt, c'est qu'elles ne se contentent pas d'entretenir une relation privée entre deux individus, et que dans cette écriture intime et personnelle s'esquisse une vision globale des rapports amoureux, fondée sur un système de valeurs tantôt transparaissant en filigrane, tantôt explicitées, voire commentées par Julie. A travers ces lettres d'amour apparaît la façon singulière dont une femme des Lumières envisage la relation et le rapport entre les sexes. [...]
[...] En février 1774, Julie devient la maîtresse de son correspondant, mais les tourments qu'elle éprouvait avant de lui céder ne font que redoubler : Guibert ne se laissera pas posséder et l'épistolière sait qu'il ne se donnera jamais tout entier à celle qu'il aime. Cette méprise ne fait qu'augmenter les remords de Julie liés à la trahison à l'égard de Mora. Mais elle choisit néanmoins de se jeter à corps perdu dans la passion impossible et de surmonter lucidité et sentiment de culpabilité dans un effort où trouve écho les mots de Phèdre : "Il fallait bien souvent me priver de mes larmes."[2] L'énoncé tragique ne se contente plus désormais de doubler ou de prolonger le discours de la lettre d'amour, il devient le motif de développements complexes dans lesquels le texte de la tragédie circule en un réseau analogique. [...]
[...] D'Alembert lui ouvre la voie qui mène au poste de Secrétaire de l'Académie des Sciences ; mais c'est Julie qui prend soin de son éducation sociale, qui l'initie à l'art de la conversation et à l'art épistolaire. La femme s'épanouie ici dans un champ d'activités culturelles devenues pour elle comme une seconde nature, et qu'elle ne concevrait pas de quitter, comme elle n'envisagerait pas de vivre dans une autre compagnie que celle qu'elle fréquente: "On pourrait dire de l'habitude de vivre avec des gens d'esprit et de mérite, ce que M. de la Rochefoucauld disait de la cour : ils ne se rendent point heureux et ils empêchent de se trouver bien ailleurs. [...]
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