Le lyrisme dans les oeuvres de Maulpoix, Réda et Ponge

Résumé du document

INTRODUCTION

Le lyrisme est souvent perçu comme l'expression d'un « moi », d'une subjectivité, en même temps qu'un désir de musicalité et une visée de l'idéal. Depuis le mouvement romantique, où le lyrisme a connu un développement important et fécond, il n'a cessé d'être remis en cause par la modernité. De ces remises en cause, il est sorti paradoxalement grandi. En effet, Le parti pris des choses de Ponge, Les ruines de Paris de Réda ou encore Une histoire de bleu de Maulpoix illustrent précisément ce renouveau du lyrisme. Quelles sont donc les caractéristiques de cette évocation nouvelle du lyrisme ? Dans un premier moment, nous verrons que les textes du corpus, malgré leur évidente nouveauté, s'inscrivent pourtant dans la tradition lyrique. Nous comprendrons ensuite qu'ils mettent au jour d'évidentes dissonances vis-à-vis de la conception traditionnelle du lyrisme. Enfin, il s'agira d'évoquer la mise en place par ces poètes d'un lyrisme « autre », différent.

I) UN LYRISME QUI S INSCRIT DANS LA TRADITION

A) Par certains aspects, ces textes, malgré leur évidente nouveauté, s'inscrivent dans la tradition lyrique. De prime abord, on retrouve bien dans ces poèmes l'expression d'une singularité qui place les émotions au premier plan, même si c'est en filigrane pour Ponge ou Maulpoix. Par des images constantes, le poète métaphorise ses propres sentiments : émotions, interrogations spirituelles, quête de l'identité... Le lyrisme reste attaché étymologiquement à l'idée de musique. La richesse des mots, le jeu sur le lexique créent une musicalité différente de la prose traditionnelle et qui accompagne pourrait-on dire la subjectivité tout en convoquant symboliquement le lyrisme traditionnel. On retrouve, dans le poème de Réda et plus précisément dans les pensées du poète, la présence d'un « je » soumis aux rêveries, absorbé par la douce contemplation solitaire et salvatrice : « la modeste élévation de mes pensées, tandis que j'attends l'autobus ». Réda joue sur un registre lyrique traditionnel. Il exploite en effet le poncif de la rêverie d'un sujet individuel (...)

Extraits

[...] Il exploite en effet le poncif de la rêverie d'un sujet individuel. Chez Ponge, la magie que représente la transformation de la chrysalide ne doit pas nous faire oublier la beauté du symbole et la force de la représentation. Dans ce tableau en mouvement qu'il dresse de l'insecte, à travers ses errances tumultueuses, ce passage de la terre aux airs, du prosaïque au céleste, de la boue à l'or, il faut voir en filigrane l'image du poète, qui de travailleur besogneux devient magicien des mots. [...]

[...] Les poètes jouent de l'ambiguïté entre prose et poésie pour manifester au fond un désaccord intime au vers comme au rapport au monde. De ces déséquilibres et de ces superpositions s'élève un chantonnement discret, mais bien présent, une parole caractérisée par la justesse et la musicalité. Pour Réda, le lyrisme nous apparaît en fait comme un tremplin salvateur entre le présent et le futur. En effet, c'est une volonté à peine cachée de faire du poème un monument qui défie le temps. [...]

[...] Le lyrisme peut connaître des bouleversements, des mutations conséquentes, à l'image de cette chenille qui se transforme naturellement et presque magiquement en papillon, pour employer le motif du texte de Ponge. Transition conclusive : Finalement, qu'importe la motivation du poète, le lyrisme est perceptible chaque fois qu'est présente la volonté de déjouer la mort. CONCLUSION Il faut voir dans ce corpus la volonté des poètes de poursuivre le travail opéré par Apollinaire dans Alcools, recueil dans lequel le poète crée une nouvelle langue porteuse d'un lyrisme neuf qui réinvente la poésie. [...]

[...] La modernité s'attache à effacer les traces de la sensiblerie personnelle, pour aboutir à l'étranglement du pathos lyrique pour reprendre l'expression de JM Maulpoix. C'est la recherche de la sobriété qui prime. C'est une couleur timide C'est en plaçant le mot juste à sa juste place qu'on a le plus de chance de produire une émotion sincère, donc profonde, et par là lyrique. Plus que dans les considérations personnelles ou les circonstances, l'énonciation lyrique se trouve en fait dans la volonté permanente de colorer le monde qui entoure le poète et son monde intérieur, de sa propre vision. [...]

[...] Assurément pas, semble nous dire Ponge. La musicalité poétique est certes présente, mais c'est aussi et surtout le silence qui se retrouve mis à l'honneur chez Maulpoix. Le bleu ne fait pas de bruit nous dit-il. Son évocation du bleu privilégie le ton humble. Il ne s'en remet ni au lyrisme déployé, ni à la totale négation du chant. Son texte n'exhibe aucune virtuosité technique, aucun projet ouvertement expérimental, mais semble au contraire se faufiler entre les mailles de la modernité pour retrouver une exacte simplicité de l'expression. [...]