L'influence du corps humain dans les locutions imagées de la langue française a toujours été présente, sauf à une période que j'évoquerai plus loin. Toute conversation familière et bien des textes littéraires sont truffés de telles expressions, que la plupart des dictionnaires généraux se contentent de définir. L'origine de ces locutions est diverse. Les unes, majoritaires dans ce livre, ont fait fortune parce qu'elles ont séduit par leur caractère expressif, redevables de leur succès par leur tournure, une image ou une comparaison. Les autres, fort nombreuses dans une langue variée et riche en littérature comme la nôtre, sont constituées de citations devenues proverbiales. Il est curieux de constater que leur passage dans le langage commun n'a souvent été assuré, non pas par leur créateur, mais par l'auteur les reprenant et leur donnant une forme encore plus heureuse qui a fait oublier l'original. Rabelais au XVIe siècle, La Fontaine et Molière au XVIIe et Voltaire au XVIIIe (pour ne citer que les plus évocateurs pour la majorité d'entre nous) ont fréquemment contribué à populariser nombres de ces locutions. C'est le cas de « personne ne veut attacher la sonnette au cou du chat », c'est-à-dire que personne ne veut s'engager dans une action dangereuse, qui est une locution courante depuis la fable 2 du livre II des Fables de La Fontaine, Conseil tenu par les rats. Mais ce dernier ne faisait que reprendre la formule d'un poème de l'humaniste italien du XVe siècle, Abstémius, intitulé « Les Souris qui voulaient pendre une sonnette au cou du chat. » A contrario, certains auteurs ont repris des expressions du langage courant en leur donnant une forme quelque peu différente, sans que celle-ci prévale pour autant. Il en est ainsi de « dormir sur ses deux oreilles » attestant un sommeil profond depuis très longtemps ; même si La Fontaine en a fourni une « adaptation » demeurée sans suite dans ses Contes et nouvelles, Les Oies du frère Philippe (...)
[...] Prendre le mors aux dents Signification Le sens ancien de la formule impliquait de se livrer tout entier à ses passions. De nos jours, c'est se laisser aller à la colère ou, dans un contexte plus pacifique, se mettre soudainement et avec énergie à un travail, à une entreprise. Étymologie Ces dents-là ne sont pas humaines mais le sens figuré de la locution témoigne d'un comportement humain changeant, raison pour laquelle elle sera abordée ici. Tout d'abord, quelques mots pour réhabiliter la plus noble conquête de l'homme que les temps modernes ont marginalisée, exception faite des courses hippiques. [...]
[...] Bien que la postérité n'en ait retenu que les dérives terminales exprimées par le langage courant, les conditions historiques dans lesquelles la phrénologie (c'était autrefois l'étude des rapports entre la forme du crâne d'un individu et son caractère, ses facultés intellectuelles) a fait son apparition illustrent les difficultés et les embûches du développement des connaissances. La Renaissance voyait les cadavres livrés à la science rares et les autopsies non méthodiques. Si les nerfs facilement identifiables sont bien étudiés, le cerveau est un viscère flasque rapidement dégradé qui ne se prête guère à l'observation en dépit des essais de fixation dans le vinaigre ou par la friture à l'huile. Il fallut attendre le XVIe siècle et Vésale (1514-1564) pour que soit dressé un véritable atlas cérébral. Les notions sur les fonctions cérébrales sont quasi inexistantes. [...]
[...] L'expression s'était rapidement affaiblie en langage de caserne, au point que à la veille de la guerre, y signifiait simplement homme, spécialement soldat [ En 1914, ce terme militaire a reflué dans le langage des civils, qui lui ont donné un lustre nouveau en l'employant au sens de soldat combattant [ Les deux sens de à poil courage et virilité, ont coexisté un temps avant que la langue moderne préfère la locution familière homonyme, synonyme de nudité, reléguant la métaphore de force au silence. Il est très vraisemblable que le souvenir du conflit mondial armé des poilus et les grivoiseries des casernes de cavalerie préférant, par cavalier interposé, monter une femme à poil qu'un cheval de même, ont grandement facilité la sédentarisation de cette préférence du langage courant. [...]
[...] Signification Tout est inutile, il n'y a rien à faire. Étymologie Cette locution familière date de la fin du XIXe siècle et existe aussi sous une forme exclamative autant pisser dans un violon ! avec le même sens. Selon Alain Rey, la locution initiale aurait été souffler dans un violon qui explique mieux l'inutilité de l'entreprise puisque le violon n'est pas un instrument à vent. Puis, par plaisanterie, ce verbe a été remplacé par le verbe pisser estimé alors plus riant et espiègle que son prédécesseur. [...]
[...] Avoir les foies Signification Manquer de courage, avoir peur. Étymologie Cette locution argotique est à rapprocher de donner (foutre) les foies à quelqu'un qui signifie lui faire peur Les anciens avaient une façon particulière d'apprivoiser le monde qui les entourait : cherchant à quelque chose une explication, ils eurent recours au mythe et à la légende, n'hésitant pas à se raconter des histoires pourvu qu'elles donnent du sens aux choses et aux mots. Ainsi, les prêtres et les devins de l'Antiquité, qui consultaient les oracles pour connaître le destin des hommes, ont-ils longtemps lu dans les entrailles des animaux. [...]
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