Cette affirmation semble au premier abord bien surprenante. Les poètes étant des hommes de lettres, il apparaît paradoxal d'affirmer qu'ils n'utilisent pas le langage. En réalité, le verbe « utiliser » est à prendre au sens premier du terme, c'est-à-dire rendre le langage utile, se servir du langage comme s'il était un outil, un instrument, un moyen d'atteindre un but. Pour les hommes ordinaires, les mots ne sont qu'un moyen de nommer le monde. Au contraire, le poète se détache de cet usage et considère les mots comme ayant une valeur par eux-mêmes et pas seulement à travers la chose qu'ils nomment. Le mot n'est plus un signifiant donnant accès au signifié, mais devient lui-même une chose.
Dans quelle mesure peut-on donc affirmer que les poètes refusent le langage instrument et proposent un nouvel usage des mots ?
Dans un premier temps, nous verrons que la poésie se démarque de l'usage ordinaire des mots qui vise à les instrumentaliser. Puis nous envisagerons l'idée qu'en poésie c'est le mot en tant que chose qui a de la valeur. Pourtant, nous nous demanderons finalement si cette définition de Sartre n'a pas ses limites et si le mot ne garde pas une fonction de nomination qui permet d'accéder à un nouveau monde.
[...] Le rapport du poète aux mots est différent de celui des hommes ordinaires : le mot n'est plus un outil utilisé par convention, mais a une valeur en soi.
Le mot ne sert plus à nommer le monde (citation de Sartre : « Ils ne songent pas non plus à nommer le monde »), à désigner des choses. Octavio Paz : « La création poétique est d'abord une violence faite au langage. Son premier acte est de déraciner les mots. Le poète les soustrait à leurs connexions et à leurs emplois habituels. » (...)
[...] Le poète est un artisan de la langue, elle est son outil. Eluard: Rien de rare, rien de divin dans mon travail banal 2)La poésie nomme Même si certains poètes ont fait le choix du signifiant plutôt que du signifié, il est faux de dire que la poésie ne nomme jamais. Beaucoup de poèmes acquièrent de la valeur par leur signification. On peut citer la poésie lyrique, qui exprime des sentiments, la poésie narrative, qui raconte une histoire (exemple: l'épopée) ou encore la poésie engagée, qui véhicule un message et vise à faire réfléchir. [...]
[...] apparaît à première vue comme un paradoxe: Les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage. Or, comme c'est dans et par le langage conçu comme une espèce d'instrument que s'opère la recherche de la vérité, il ne faut pas s'imaginer qu'ils visent à discerner le vrai ni à l'exposer. Ils ne songent pas non plus à nommer le monde et, par le fait, ils ne nomment rien du tout, car la nomination implique un perpétuel sacrifice du nom à l'objet nommé ou pour parler comme Hegel, le nom s'y révèle l'inessentiel, en face de la chose qui est essentielle. [...]
[...] Saint-John Perse: Poète est celui-là qui rompt pour nous l'accoutumance. La poésie permet donc d'enchanter le monde en le donnant à voir autrement. Conclusion: Derrière l'apparent paradoxe énoncé par Sartre apparaît l'idée qu'en poésie, les mots ont une valeur en eux-mêmes et pas en tant que signes. Finalement, plutôt que choses coupées de toute signification ou au contraire signes donnant à voir le monde, il faut peut-être voir le langage poétique comme une porte d'accès vers un monde nouveau, loin des conventions du langage habituel. [...]
[...] Octavio Paz: La création poétique est d'abord une violence faite au langage. Son premier acte est de déraciner les mots. Le poète les soustrait à leurs connexions et à leurs emplois habituels. On peut aussi penser au courant littéraire du Parnasse qui rejette toute conception utilitariste de la poésie et par conséquent de l'usage des mots. Théophile Gautier: Il n'y a rien de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid. [...]
[...] Dans quelle mesure peut-on donc affirmer que les poètes refusent le langage instrument et proposent un nouvel usage des mots ? Dans un premier temps, nous verrons que la poésie se démarque de l'usage ordinaire des mots qui vise à les instrumentaliser. Puis nous envisagerons l'idée qu'en poésie c'est le mot en tant que chose qui a de la valeur. Pourtant, nous nous demanderons finalement si cette définition de Sartre n'a pas ses limites et si le mot ne garde pas une fonction de nomination qui permet d'accéder à un nouveau monde. [...]
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