Depuis le début du 20ième siècle, la linguistique a été amenée à dissocier différents sens du mot langage, que l'usage courant confond le plus souvent. Au sens large, il est un système de signes permettant l'expression ou la communication ; ainsi, il est possible de parler d'un « langage informatique », ou du « langage animal », comme celui des abeilles, qu'a étudié Von Frisch (Le langage des abeilles). Cependant, il est avant tout une institution universelle et spécifique de l'humanité, aux caractères propres : double articulation, phonèmes, monèmes... A quoi sert le langage ? À première vue, la réponse est simple : à communiquer, à dominer, à penser, à révéler, en un mot à dire ; dire ses sentiments, dire « le monde ». Ainsi la question « le langage est-il le miroir du monde ? » est légitime, mais pose d'emblée un certain nombre de problèmes. En effet, dans la définition stricte du mot, le miroir permet une réflexion totale s'il est parfaitement lisse (c'est-à-dire que les imperfections sont inférieures à 0,01 μm) : le langage est-il un outil si parfait ? Dans le cas contraire, le monde dans tous les cas reflété ne serait pas le monde « réel », il ne servirait pas à le dire « en soi ». Mais est-ce sa vocation ? Le problème est donc intrinsèquement ontologique, il va avoir un rapport direct et insécable avec le dévoilement de l'étant, le fameux concept grec. Dans un premier temps, nous serons amenés à évaluer les deux théories du langage que développe Platon, avec ses interlocuteurs Cratyle et Hermogène, afin de nous rendre compte que, dans la théorie du conventionnalisme comme dans celle du naturalisme, le langage ne semble être que le reflet de la réalité. Ensuite, la question posée nous portera à nous demander si le langage reflète le monde de manière différente dans ses diverses utilisations, c'est-à-dire dans les différentes « langues », et s'il faut considérer que cette diversité renvoie à des reflets divergents, à des conceptions dissemblables du monde. Enfin, nous verrons que ce travail prétend que le langage est un miroir fidèle du monde, mais qu'en tant que fluctuant, il n'est pas un miroir parfait, et que la perfection linguistique semble, au contraire de ce que pensent certains linguistes, à réaliser...
[...] Le problème est donc intrinsèquement ontologique, il va avoir un rapport direct et insécable avec le dévoilement de l'étant, le fameux concept grec d'Άληθειά. Dans un premier temps, nous serons amenés à évaluer les deux théories du langage que développe Platon, avec ses interlocuteurs Cratyle et Hermogène, afin de nous rendre compte que, dans la théorie du conventionnalisme comme dans celle du naturalisme, le langage ne semble être que le reflet de la réalité. Ensuite, la question posée nous portera à nous demander si le langage reflète le monde de manière différente dans ses diverses utilisations, c'est-à-dire dans les différentes langues et s'il faut considérer que cette diversité renvoie à des reflets divergents, à des conceptions dissemblables du monde. [...]
[...] Cependant, toutes les langues ne semblent pas se valoir quant à la qualité de l'expression de la pensée. A rebours peut-être (ce qui signifie bien évidemment que non) de ce que nous venons de dire, il est possible que la langue ait une influence sur la manière de dicter sa raison : une langue souple, légère, dans laquelle la grammaire est réduite (c'est-à-dire non complexe) laisse apparaître la pensée dans toute sa clarté et lui permet de s'y mouvoir librement. [...]
[...] Ainsi en Grèce antique, Pythagore enseignait qu'une relation de φυσις liait chaque ονομα à chaque πραγμα. Dans la pensée indoue, les philosophes n'ont même qu'un seul mot : nama-rûpa pour dire cette analogie ; la relation est pensée comme si forte qu'il était impossible de considérer l'une sans l'autre. Ces bases sont nécessaires pour introduire le fait que dans cette conception du langage, la parole, l'acte de prononcer le langage a directement une portée ontologique. Ainsi se tromper c'est dire ce qui n'est pas, alors qu'avoir raison revient à dire ce qui est véritablement. [...]
[...] Avant de clore ce travail, laissons à Descartes une dernière parole, extraire du Discours de la Méthode : Ceux qui ont le raisonnement le plus fort et qui digèrent le mieux leurs pensées afin de les rendre claires et intelligibles, peuvent toujours le mieux persuader ce qu'ils proposent, encore qu'ils ne parlassent que bas breton Loin d'être abstrait, le langage est concret. Loin d'être individualisé et relatif, il est en tout temps et en tout lieu le même. Jamais symbole de mentalités diverses, il est ce qui rassemble les peuples. [...]
[...] En effet, le langage, s'il se rapporte dans le monde sensible à un objet particulier, n'est évidemment pas la chose même. Le savoir que j'aurais, par exemple, du hêtre, n'est pas dépendant d'un hêtre particulier mais est universalisable à tous les spécimens présents sur terre. Il faut penser que le langage est un intermédiaire entre le sensible et l'intelligible, le lieu de passage obligé par lequel la pensée s'exprime, forcément dans les changements et les vicissitudes de ce monde, pour atteindre son objet propre, l'Idée si l'on veut, l'essence des choses. [...]
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