Le lai du Chèvrefeuille est le plus court des douze lais de Marie de France. Elle y évoque une célèbre légende, celle de Tristan. Cette légende est parsemée dans tous les autres lais, mais dans le Chèvrefeuille l'auteur l'évoque directement. Ce lai apparaît comme un épisode de la légende, l'une des rencontres furtives entre Tristan et Iseut. Cependant ce lai n'est pas une réécriture, c'est Marie de France qui a crée cette épisode. Pourtant dans son lai, elle pose Tristan comme auteur du Chèvrefeuille. Dès son prologue Marie de France semble annoncer son objectif, elle veut expliquer la composition et l'origine de ce lai. Cela n'empêche pas le lecteur de se poser des questions quant à la finalité du lai.
Alors pourquoi peut-on dire que l'objectif de Marie de France va plus loin que celui annoncé dans le prologue ?
[...] Le véritable créateur serait Tristan et Marie de France, voulant rendre la véritable histoire du chèvrefeuille chercherait à être la plus objective possible. Cette objectivité est rendue par le style : elle adopte un ton plutôt froid et neutre et on note une certaine raideur dans son écriture. L'auteur fait se succéder les faits sans chercher à utiliser une expression originale. Marie de France ne veut surtout pas nous faire part de son opinion personnelle comme en témoigne le vers 21 : Ne vus en merveilliez nient : ici l'auteur montre bien qu'elle ne propose pas une interprétation personnelle, mais un topo. [...]
[...] La première hypothèse serait que Marie de France veut insister sur sa condition, car ce qui importe ce n'est pas Iseut en tant que personne, mais Iseut en tant que Reine. En effet, si Iseut n'avait pas ce statut alors Tristan n'aurait pas besoin de la voir en cachette. C'est parce que Iseut est la reine et par conséquent la femme du roi Marc qu'elle joue un rôle important. La deuxième hypothèse ferait écho au lai de Lanval dans lequel la fée n'est pas nommée, car elle est LA femme, c'est-à-dire une sublimation de la femme. On ne peut donc pas lui donner de nom. [...]
[...] Aucun roman de Tristan ne possède cet épisode. Cependant, l'anecdote rappelle celle d'un poète allemand Eilhart von Oberge qui s'est inspiré de la version française de Béroul pour écrire vers 1170 Tristrant und Isalde : la première version connue de Tristan en allemand. La reine, dit- on là, se rendait à la Blanche Lande. Au moment où elle passe, Tristan, embusqué sur son chemin avec son ami Kaherdin, lance une branche dans la crinière du cheval. Iseut comprend que Tristan est là et elle s'arrange de façon à le revoir. [...]
[...] Pour Marie de France l'amour c'est avant tout un attachement fidèle, indissoluble dont le Chèvrefeuille est la métaphore. Les deux amants ne peuvent être séparés sans mourir. Le chèvrefeuille est donc, avec les deux amants , Yonec et le Laostic, un symbole de l'amour courtois tel que Marie de France le concevait. Les autres lais même s'ils présentent des traits de l'amour courtois que l'auteur rejette, ne sont pas pour autant en contradiction totale avec l'idéologie courtoise. Enfin, nous verrons que cet idéal de l'amour courtois se heurte au réalisme. [...]
[...] Dans ce cas, on aurait une interprétation biblique, puisque dans la Bible, l'homme à une autorité et un pouvoir dominant sur la femme. Mais ici, cette interprétation peut être remise en cause dans la mesure où ce sont les codes de l'amour courtois qui priment, et qui sont contraires à la vision biblique des relations entre l'homme et la femme. Un autre cas est possible, celui où les deux personnages représentent le chèvrefeuille. Et cela expliquerait le choix du titre. [...]
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