Dissertation de Littérature ayant pour sujet : Commentez en l'appliquant particulièrement à la littérature le jugement du sculpteur Rodin : « Le vulgaire s'imagine volontiers que ce qui est laid n'est pas matière artistique. Il voudrait nous interdire de représenter ce qui lui déplaît. C'est une profonde erreur. Qu'un grand artiste ou un grand écrivain s'empare de la laideur, instantanément il la transfigure, il en fait de la beauté. Tout ce qu'on nomme laideur dans la nature peut, dans l'art, devenir admirable ».
[...] Le laid trouve donc un nouveau souffle, une dimension utile qu'il lui était complètement étrangère auparavant. Il n'y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid. Théophile Gauthier, Mademoiselle de Maupin. L'artiste va ainsi créer le contraste nécessaire à une prise de conscience de la part du lecteur. C'est par ce génie antithétique qu'Hugo s'exclame que la Muse se mettra à faire comme la nature, à mêler dans ses créations, sans pourtant les confondre, l'ombre et la lumière, le grotesque au sublime, en d'autres termes, le corps à l'âme, la bête à l'esprit C'est peut-être ce jeu aussi qui, de la laideur, fait pour l'art un défi, une nuance infinie entre les élément naturels. [...]
[...] Dans l'opinion commune ou vulgaire il est normal que l'artiste ou l'écrivain s'attache à représenter uniquement ce qui est beau, au sens produit par la société. Ce sens peut être complètement différent selon les époques, les pays ou les civilisations. Par exemple, chez les grecs du monde antique, la beauté était liée à une idée d'équilibre et de proportion mathématique. L'idée d'harmonie était en fait plus importante que l'idée d'une véritable beauté. Les sculptures des corps musclés et athlétiques de ces apollons grecs en témoignent. On représente seulement ce qui répondait aux critères de beauté en vigueur à l'époque. [...]
[...] Mais la beauté du laid peut aussi s'observer dans la technique et la virtuosité d'une composition. Le tableau de Goya, Tres de Mayo, représente une scène horrible d'exécution mais comprend une beauté certaine dans sa composition. De plus, le poème de Baudelaire, la Charogne, comporte un lexique violent, qui apparaîtrait laid dans une représentation concrète mais en sort sublimé par la finesse de la technique et le choix des sonorités. Hugo assurait en ce sens que le contraste entre le grotesque et le sublime est la plus riche source que la nature puisse offrir à l'art Il ira alors plus loin et rejoindra Rodin ; Une chose difforme, horrible, hideuse, transportée avec vérité et poésie dans le domaine de l'art deviendra belle, admirable, sublime, sans rien perdre de sa monstruosité Il ne faut pas radicaliser le propos de l'écrivain en systématisant un passage du laid au beau par l'art, il ne faut pas le confondre avec un quelconque renversement des valeurs. [...]
[...] Les rares œuvres littéraires ou artistiques mettant en scène un personnage repoussant par sa laideur ou toute autre caricature étaient en fait destinées à uniformiser la civilisation et à éviter un excès de diversité. Mais on peut en venir aussi à se demander si cette opinion du vulgaire ne résulte pas en fait d'une lacune de compréhension et de définition. En effet, le beau dans l'art ne correspond pas au beau dans la nature. Une belle œuvre d'art n'aura pas les mêmes critères de beauté qu'une chose naturelle. [...]
[...] De Mary Shelley à Bram Stoker, en passant par Stevenson ou Hugo, le laid n'a pas été totalement absent de la littérature. Mais bien souvent, l'écrivain a approuvé et même développé l'idée d'une laideur repoussante, purement physiologique, et pratiquement irréversible. Pourtant, le célèbre roman de Victor Hugo, Notre Dame de Paris, va, en quelque sorte, constituer une innovation à travers le personnage de Quasimodo. Un homme défiguré, difforme et ainsi laid pour les gens qui l'entoure, inspire immédiatement l'idée d'une nature négative, méprisable et même démoniaque. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture