Laclos et le théâtre

Résumé du document

Le tableau de Watteau, l'embarquement pour Cythère, est sans doute emblématique de toute une société : des rires, des costumes aux couleurs chatoyantes, mais surtout des êtres masqués, un véritable « carnaval », comme le dit Valmont. Et en effet, le masque, le déguisement, le jeu théâtral constituent l'un des principaux thèmes des Liaisons Dangereuses, à savoir le topos baroque du « theatrum mundi ». Miroir, métaphore d'une société, ce roman épistolaire est comme elle littéralement contaminé par le théâtre, aussi bien dans son propos que dans sa forme. Il est alors loisible de s'interroger sur la raison de l'omniprésence de ce monde de l'illusion. Illustration de la confusion entre le monde théâtral et le monde réel, les Liaisons Dangereuses génèrent une réflexion sur les causes mais aussi les graves conséquences de cette confusion, devenant ainsi une sorte de fable morale sur « le grand théâtre du monde ».

Extraits

[...] Les Liaisons Dangereuses : une fable morale sur le theatrum mundi ? Structure interne proche d'une pièce de théâtre découpage révélateur : les sept premières lettres constituent l'exposition de la pièce l'intrigue est constituée de péripéties constituant un nœud (découverte des lettres par Mme de Volanges, le refus de céder de Mme de Tourvel) le dénouement est digne de celui d'une pièce de théâtre (le récit final de Mme de Volanges est comparable au procédé d'hypotypose + message moral de la fin) procédés dramatiques : figures théâtrales : - le valet de comédie - Sophie la confidente (sorte de personnage protatique) - système des couples antagonistes une logique implacable : - le lecteur sait d'emblée comment tout cela va se finir, symbolisé par la fatalité dans la Tragédie - ironie tragique (p340) - accélération temporelle (entre la fin de la deuxième partie et le début de la troisième : renversement de situation + dénouement rapide) technique des lettres : substitut au dialogue et à la didascalie en même temps Une structure permettant un jeu de miroirs mise en abyme : En présentant une structure proche de celle d'une pièce, elle renvoie une image du théâtre et donc du monde : elle en dévoile le ficelles, ce qui permet alors de mieux comprendre le fonctionnement de la société, du theatrum mundi On peut parler d'une sorte de mimésis du théâtre une dénonciation Dès lors, la forme renforce le contenu de ce roman épistolaire, à savoir un message moral de prévention contre cette société du mensonge et de l'hypocrisie : en dévoilant les rouages de la société, Laclos tente d'éduquer des victimes potentielles au langage et aux manœuvres des libertins Le masque, si cher aux libertins, tombe alors et dévoile leur réalité : superficialité, inanité, laideur et vanité : elle ne sait pas couvrir le vide d'une phrase par un sourire étudié (Lettre VI) Conclusion Le thème du grand théâtre du monde est très exploité dans le roman épistolaire de Choderlos de Laclos mais d'une manière simple et à la fois complexe, comme tout ce qui constitue les Liaison dangereuses ; ce topos est en effet exploité aussi bien dans le propos que dans la forme du roman, ce qui est marque d'originalité. [...]

[...] Mais l'utilisation du thème du theatrum mundi ouvre d'emblée une autre piste de réflexion. Son omniprésence dans le roman n'est que le reflet de sa prédominance dans la société ; dès lors, Laclos apparaît comme le peintre de cette société. Bien plus encore, celui- ci porte un jugement amer sur ce modus vivendi hypocrite et trompeur. [...]

[...] Par conséquent, le topos du theatrum mundi peut générer une réflexion sur Laclos en tant que moraliste, dans la mesure où il peint et porte un jugement moral sur la société. [...]

[...] Mais le masque ne cacherait-il pas autre chose ? II. Ce qu'implique la notion baroque de theatrum mundi Définition C'est cette confusion évoquée plus haut qui caractérise le theatrum mundi : le monde réel n'est qu'un grand théâtre (p175, 216) C'est ainsi que la société devient le public : tout le vocabulaire théâtral a littéralement contaminé le monde de la réalité (se référer au du Ses implications se divertir : rendre le monde plus attrayant polysémie du mot jeu recherche du plaisir le rire dans les Liaisons Dangereuses : tourner les autres en dérision + s'en moquer (le jeu de mots sur le bois d'un ami de Valmont) + nombreuses références à des comédies sens pascalien du terme : société de Louis XV : débauche + dissimulation du vice sous la vertu + oisiveté (absence de guerre, de conflit politique profond) il s'agit alors de combler un manque, de tromper l'ennui : chacun s'amuse à jouer différents rôles une recherche de soi : exister en tant qu'être social : la société répond à des règles auxquelles il faut obéir si l'on veut y être intégré, des règles de dissimulation, de fausse vertu : quelques fois il suffit d'avoir l'air (lettre XXXII) le dîner évoqué par Cécile dans ses premières lettres est comparable à une représentation théâtrale : celui qui ne fait pas preuve de talent, ne sait pas faire illusion, qui joue faux en somme, ne peut espérer tisser des liens avec les autres acteurs exister en tant qu'individu : il s'agit de se distinguer, de faire une véritable performance d'acteur, de briller par son talent : la célébrité que va prendre cette aventure ( ) je ne reparaîtrai sur la scène de ce monde que brillant d'un nouvel éclat il est pour cela nécessaire d'obtenir la reconnaissance du public, qui renvoie alors une image positive de soi. [...]

[...] Laclos et le théâtre Introduction Le tableau de Watteau, l'embarquement pour Cythère, est sans doute emblématique de toute une société : des rires, des costumes aux couleurs chatoyantes, mais surtout des êtres masqués, un véritable carnaval comme le dit Valmont. Et en effet, le masque, le déguisement, le jeu théâtral constituent l'un des principaux thèmes des Liaisons Dangereuses, à savoir le topos baroque du theatrum mundi Miroir, métaphore d'une société, ce roman épistolaire est comme elle littéralement contaminé par le théâtre, aussi bien dans son propos que dans sa forme. Il est alors loisible de s'interroger sur la raison de l'omniprésence de ce monde de l'illusion. [...]