Harpagon est la figure « monstrueuse » de L'Avare. Molière a accumulé sur sa personne tous les signes de l'avarice. Il en fait ainsi un « caractère » au sens théâtral du terme, d'une idée fixe. Ce portrait-charge tient de la farce, qui caricature, mais aussi de la comédie de moeurs, qui dénonce les vices contemporains. Ainsi, dans Tartuffe, voit-on portée jusqu'au délire l'hypocrisie dévote du XVIIème siècle, dans Le Misanthrope, la folie d'Alceste, entêté de sincérité dans une société où la galanterie ne va pas sans la flatterie dont la Cour a donné le modèle. Dans Le Bourgeois gentilhomme, Molière ridiculise la vanité du bourgeois qui veut prendre le bel air de l'aristocratie, réservé aux courtisans de Louis XIV.
Molière décrit donc la société de son temps. Sur le mode du rire, il observe les moeurs de ses contemporains et les mécanismes qui régissent la société. Mais il ne veut pas simplement faire rire. Il suggère, à travers les dialogues qui opposent les protagonistes de la pièce, une réflexion sur la condition humaine. S'il ne donne aucune réponse philosophique à l'idéal moral que les erreurs de ses personnages bafouent, il oppose toujours, à l'intérieur de la pièce, le bon sens ou le « naturel » des uns (les jeunes gens, et parfois les gens simples), aux excès des autres.
Dans L'Avare, Molière, à travers la folie d'Harpagon, observe le rôle moral de l'argent dans les relations entre les membres de la communauté au centre de laquelle il se trouve.
L'argent, donc, est un outil d'échange, perverti par l'avarice d'Harpagon. Il règle et équilibre les relations familiales, domestiques, et extérieures. Cependant, « immobilisé » par le vice du maître qui en fait un objet absolu, et ne peut l'échanger que contre lui-même, l'argent dérègle les relations humaines et morales qu'il paralyse à leur tour, les renversant en relations d'hostilité. Il se retourne finalement contre son possesseur délirant (...)
[...] L'un et l'autre attendent de l'argent en échange de leurs services. Frosine à La Flèche : Tu sais que dans ce monde il faut vivre d'adresse, et qu'aux personnes comme moi le Ciel n'a donné d'autres rentes que l'intrigue et que l'industrie. (II,4,p.49) Cependant, lorsqu'elle demande à Harpagon une gratification, ce dernier ignore sa requête (II p.59-60). Aussi, sera-t-elle prête à trahir Harpagon pour servir Marianne et Cléante (IV,l,p.86-88) Le Commissaire n'existe, lui aussi, que comme instrument de l'idée fixe d'Harpagon. [...]
[...] L'imposture du pouvoir moral paternel qui masque le pouvoir de l'argent, seul garant de son autorité, met en crise la famille, lorsque l'argent devient le seul véritable enjeu de relations qui devraient être fondées sur la confiance et la sincérité. II_ Relations domestiques. Abus de pouvoir et apparence sociale La communauté familiale bourgeoise comprend les domestiques, dont la subordination au maître implique un échange fondé sur la confiance. Les domestiques assurent les besoins matériels, en échange de quoi ils obtiennent sa protection. [...]
[...] L'argent, donc, est un outil d'échange, perverti par l'avarice d'Harpagon. Il règle et équilibre les relations familiales, domestiques, et extérieures. Cependant, immobilisé par le vice du maître qui en fait un objet absolu, et ne peut l'échanger que contre lui-même, l'argent dérègle les relations humaines et morales qu'il paralyse à leur tour, les renversant en relations d'hostilité. Il se retourne finalement contre son possesseur délirant. L'argent, comme outil d'échange Les relations familiales perverties : Le mariage Le père comme obstacle : L'action s'organise autour du double mariage de Cléante et d'Elise. [...]
[...] Voilà leur épée de chevet, de l'argent. (III,l,p.64) Plus loin, Harpagon accuse Maître Jacques de vol : Harpagon, en lui mettant la main sur la bouche. - Ah ! traître, tu manges tout mon bien.» (III,l,p.66) Les domestiques sont des objets (burlesques) de représentation sociale : Ils doivent à la fois servir l'avarice d'Harpagon et figurer sa position de riche bourgeois : rôles impossibles à tenir et auxquels ils sont pourtant contraints. Dame Claude doit faire le ménage sans frotter les meubles, Brindavoine et La Merluche doivent servir à boire et ne pas servir donner à boire seulement lorsque l'on aura soif, et non pas selon la coutume de certains impertinents laquais, qui viennent provoquer les gens et les faire aviser de boire lorsqu'on n'y songe pas. [...]
[...] De plus, les objets qu'il le contraint à accepter pour suppléer aux mille écus restants (p.42), sont à l'évidence des objets de récupération, pris à un débiteur défaillant. En effet, la rente constituée, pratique légale, stipulait qu'en cas d'insolvabilité, le prêteur devenait propriétaire de tous les biens du débiteur. Molière évoque ainsi les abus du prêt à intérêt, dont par ailleurs il approuvait l'usage, lui-même ayant fait une opération financière de ce type avec son père (cf.L'Avare, GF, Présentation, p.III). Ce qu'il dénonce, ici, sur le mode comique de l'inventaire burlesque, c'est la ladrerie du prêteur, dans ses méthodes d'accaparement et de paiement. [...]
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