Nous verrons d'abord en quoi la mémoire est à la source de l'histoire de Shakespeare, c'est-à-dire comment le prisme de la mémoire élisabéthaine informe la pièce, pourquoi le souvenir du passé et, anachroniquement, celui de l'avenir, sous-tendent l'action et dans quelle mesure la mémoire du temps passé permet au dramaturge de créer son histoire. Mais cette dernière, comme par un effet de miroir, est également créatrice d'une mémoire qui en est l'image renversée. C'est ce qui ferra l'objet de la seconde partie de notre analyse au sein de laquelle nous verrons comment l'histoire à l'encre de Shakespeare s'ancre dans les mémoires, dans quelle mesure l'histoire perçue comme passage du temps traverse la pièce sous la forme des avatars de Némésis que sont la nostalgie et le remord tout au long de la pièce et enfin par quel jeu l'histoire permet à King Richard II de créer sa propre mémoire
[...] De même, l'image du soleil, utilisée une première fois par Richard pour décrire sa supériorité divine sur tout l'univers et Bolingbroke incapable d'y résister see us rising in our throne, the east, / His treasons will sit blushing in his face, / Not able to endure the sight of day, III se dégrade quand il renonce à résister à Henry et à son armée : Down, down I come, like glist'ring Phaëton, (III Ainsi, on remarque que la forme de la pièce de Shakespeare ancre l'histoire de King Richard II dans les mémoires en la formalisant. Le temps qui passe, l'histoire qui se déroule, sont également source de mémoire sous les formes de la nostalgie, du chagrin, du remord ou de la culpabilité. [...]
[...] Penchons-nous en premier lieu sur ce que la mémoire apporte à l'histoire de King Richard II, comment elle y influe. En d'autres termes, dans quelle mesure peut-on dire que la mémoire est à la source de l'histoire de King Richard II ? King Richard II, apparaît d'emblée comme un drame élisabéthain en ce que cette pièce est née à cette période dont elle est forcément emprunte et sur ce point, l'emprunte et la trace relèvent du domaine de la mémoire et surtout qu'elle incarne, notamment par le corps des acteurs, le drame qui pourrait être celui de toute une époque si l'histoire venait à se répéter au-delà du Globe Theatre. [...]
[...] (III ) Or, cette amnésie qu'on pourrait qualifier d'ontologique le conduit à sa propre création, ou tout du moins à un retournement sur lui-même. Il est à noter que Richard ne tente pas de résister à Bolingbroke lorsqu'il apprend le meurtre de ses favoris à son retour d'Irlande. Au contraire, il apparaît plus comme l'acteur de sa propre fin. Les thèmes du conte abondent alors dans la pièce de théâtre, c'est-à-dire une forme d'art censée célébrer le montré plutôt que le raconté. [...]
[...] King Richard II : histoire et mémoire. King Richard II fait partie des drames historiques, autrement nommés histories de Shakespeare. Son héro éponyme est donc d'emblée parti de deux histoires : la grande, celle de l'Angleterre de la fin du XIVème siècle, et la petite, celle du drame Shakespearien. Les deux se donnent à voir sur un théâtre, celui de l'histoire celle de l'historien comme celle du dramaturge qui offre aux spectateurs (sujets, citoyens, lecteurs, public), l'incarnation d'un passé : les comédiens deviennent acteurs de l'Histoire dans un présent de la représentation où ils jouent une histoire ; les acteurs de l'Histoire deviennent personnages d'un passé historique où l'Histoire se joue. [...]
[...] Though Richard my life's counsel would not hear My death's sad tale may yet undeaf his ear. (II Ces mots soulignent bien le pouvoir mnémotechnique de la forme, en l'occurrence celle des mots solennels du mourant sur son lit de mort. Aussi, Gand va-t-il évoquer dans son célèbre England Speech aux lignes 31 à 68 de la même scène, le souvenir d'une Angleterre édénique dans une langue extrêmement imagée et travaillée, criblée d'anaphores This est répété neuf fois en début de vers), de répétitions d'exemples a visée presque didactique, de références bibliques et d'expressions toutes faites, en une hypotypose réellement destinée à hanter la mémoire de Richard après sa mort, le dernier mot de son morceau de bravoure. [...]
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