Kafka est mort sans avoir réalisé ce qu'il voulait, laissant derrière lui trois grands romans inachevés dont il a souhaité la destruction, ainsi qu'un Journal retraçant le combat de sa vie et plein du sentiment de l'échec et de la faute. Sa biographie nous permet d'entrevoir quelque peu les profondes fêlures auxquelles l'écriture a tenté de remédier, mais qu'elle a peut-être aussi agrandies. Comment expliquer ce conflit permanent entre le travail de l'écriture et la vie de Franz Kafka, comment expliquer ce renoncement à l'existence, renoncement supposé aboutir au « vrai, au pur, à l'immuable », mais qui ne pourra finalement qu'engendrer certaines difficultés à écrire, qui engendreront nécessairement une insatisfaction de soi-même ? Dans une première partie, nous étudierons la transmutation souhaitée de l'existence par la littérature, pour ensuite voir, dans une deuxième partie, que cette aspiration va nécessairement engendrer une forme de renoncement à l'existence, une ascèse presque maladive, aux dépens de la vie. Pour finir, dans une troisième partie, nous étudierons les limites de la littérature, lesquelles se caractérisent par une incompatibilité fondamentale entre l'art et la vie.
[...] Si la création littéraire constitue le seul attrait de la vie de Franz Kafka, celui-ci demeure profondément tiraillé par un conflit intérieur qui postule une contradiction fondamentale entre la littérature et la vie. Ainsi le jeûneur professionnel est-il tué par son art, art qui, de la même manière, causera au trapéziste sa première souffrance et qui, finalement, perdra Joséphine. L'art n'est donc pas le salut. S'il en a l'apparence, c'est qu'il est logé au cœur même d'une instance dont Kafka et ses héros dépendent, et à laquelle ces derniers doivent finalement leur existence. [...]
[...] Kafka Le conflit entre la littérature et la vie Ecrire est mon unique possibilité d'existence. Eléments biographiques Franz Kafka naît le 3 juillet 1883 à Prague. Il est l'aîné de six enfants, et ses trois sœurs seront victimes des nazis. Au sortir d'une éducation négative qui engendrera chez lui une profonde culpabilité de ne pas être ce qu'un père sévère voire tyrannique attendait de lui, il ne parvient pas à entrevoir la finalité de cet autoritarisme paternel. On a travaillé, aussi bien à l'école qu'à la maison, à effacer ma singularité. [...]
[...] ( ) Ce n'est que de cette manière rigoureuse, continue et systématique que je puis écrire et donc aussi vivre. -Franz Kafka, ibid.- La vie de Kafka se veut bien inséparable du travail de l'écriture, comme si elle devait naître dans et par la création littéraire. On ne peut pas me jeter hors de l'écriture, puisque j'ai déjà pensé parfois être installé dans son centre, dans sa meilleure chaleur. -Journal- Le minimalisme de l'écriture L'imaginaire ignore les limites et perturbe le sens et les valeurs. [...]
[...] C'est beaucoup plus simple que l'existence humaine. Bien à l'abri au sein du troupeau ( ) c'est une vie précisément délimitée, comme au bureau. ( ) On a peur de la liberté et de la responsabilité. C'est pourquoi l'on préfère étouffer derrière les barreaux que l'on a soi-même fabriqués. -Conversations avec Kafka, Janouch Gustav-. Il s'agit bien d'une dramatisation de la liberté en tant qu'elle fait corps avec la perception de la situation existentielle vécue comme drame de la décision. Nous sommes condamnés à être libres. [...]
[...] Franz n'a pas la capacité de vivre. Franz ne sera jamais en bonne santé. Franz va bientôt mourir. Et son ascétisme est totalement dépourvu d'héroïsme, ce qui le rend, à vrai dire, plus grand et plus noble. Ce n'est pas un homme qui construit son ascétisme comme un moyen d'accéder à un but, c'est un homme qui est contraint à l'ascétisme par sa terrible lucidité, par sa pureté, par son incapacité à accepter le compromis." -Extrait d'une lettre adressée par Milena à Max Brod en août 1920-. [...]
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