On sait que Julien Gracq était l'ennemi de la critique savante, universitaire (qu'il connaissait par ailleurs parfaitement). S'opposant aux nombreux mouvements critiques qui ont émaillé le XXème siècle - critique psychanalytique, freudo-marxiste, existentialiste, méthode psychocritique de Charles Mauron, critique thématique, écrits théoriques de Roland Barthes, sémiotique autour de la revue Tel Quel, exégèse des oeuvres à travers les brouillons, ratures, textes non publiés, etc., approche biographique, anthropologique, sociologique, etc., il met en avant:
« un élément essentiel (qui) risque de manquer toujours à la critique littéraire, et particulièrement aux monographies souvent très volumineuses, qu'elle consacre de nos jours à tel ou tel roman célèbre (…). Cet élément - sur lequel l'écrivain seul pourrait renseigner - ce sont les fantômes de livres successifs que l'imagination de l'auteur projetait à chaque moment en avant de sa plume. »
[...] Mais il condamne le réalisme laborieux de Zola: « Toutes les maisons, tous les jardins, tous les mobiliers, tous les costumes des romans de Zola ( . ) sentent la fiche et le catalogue » , au profit du « bric à brac » balzacien qui « si excessif, si envahissant qu'il soit par endroits, semble toujours avoir été soumis à une longue et tiède cohabitation casanière . ». De nouveau, Gracq se déclare sensible à ce que la littérature peut apporter de chaleur et de vie à ses lecteurs. Le réalisme en tant que tel l'intéresse peu. [...]
[...] « Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola » . et Proust: Gracq lecteur-écrivain. Gracq considère les grands romans du XIXème siècle comme des oeuvres littéraires capitales. Il s'oppose par là au mépris exprimé par Breton à l'égard du roman classique, et aux sarcasmes de Valéry à propos de ces romans qui commencent par la phrase « La marquise sortit à cinq heures ». Il perçoit dans le développement de ces oeuvres une apogée et un déclin, et y inclut Proust, dernier d'après lui de la lignée. [...]
[...] Mais surtout, à partir de 1961, ses ouvrages de réflexion et de critique se multiplient: Préférences (1961), Lettrines I (1967), Lettrines II (1974), En lisant en écrivant (1980), Proust considéré comme terminus, suivi de Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola (1986), etc. Julien Gracq, tout au long de sa vie, a été un grand lecteur, très attentif aussi à la littérature contemporaine. On sait que, enfant, il découvre à 7 ans l'oeuvre de Jules Verne, puis à 12 ans celle de Poe, à 15 Le Rouge et le Noir, à 18 la musique de Wagner, à 22 l'oeuvre d'André Breton. [...]
[...] Julien Gracq, En lisant en écrivant, « Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola » La position singulière de Julien Gracq face à la critique littéraire. On sait que Julien Gracq était l'ennemi de la critique savante, universitaire (qu'il connaissait par ailleurs parfaitement). S'opposant aux nombreux mouvements critiques qui ont émaillé le XXème siècle - critique psychanalytique, freudo-marxiste, existentialiste, méthode psychocritique de Charles Mauron, critique thématique, écrits théoriques de Roland Barthes, sémiotique autour de la revue Tel Quel, exégèse des oeuvres à travers les brouillons, ratures, textes non publiés, etc., approche biographique, anthropologique, sociologique, etc., il met en avant: « un élément essentiel (qui) risque de manquer toujours à la critique littéraire, et particulièrement aux monographies souvent très volumineuses, qu'elle consacre de nos jours à tel ou tel roman célèbre ( . [...]
[...] La forme même adoptée par Gracq dans En lisant en écrivant, mais aussi dans ses autres essais, relève du voyage et de l'évocation d'expériences de lectures. Partant de l'établissement d'un corpus, Stendhal, Balzac, Flaubert, Zola, Proust dans une moindre mesure, qu'il considère comme constituant la grande période du roman français, il navigue d'un auteur à l'autre, engage une réflexion, l'interrompt, la reprend, au gré de ses sensations de lecteur. Ses conclusions peuvent être stylistiques (il s'atterre de la lourdeur du style de Flaubert ou Zola, s'amuse à isoler une phrase aberrante de Balzac ou à repérer les tics linguistiques de Stendhal), historiques (la présence de l'Histoire chez un Balzac ou un Zola, son invraisemblance au contraire chez Stendhal), esthético-philosophiques quoi sert le roman?), et forment à leur tour un apparent bric à brac, ordonné cependant grâce au fil directeur que représente Stendhal. [...]
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