Jeunesse de Pasolini, crise italienne du fascisme, la Callas, débats politiques et culturels, Italie, premiers poèmes, obsession de la mort
Pier Paolo, dans sa jeunesse, évolue en pleine crise italienne du fascisme, une crise idéologique qui connut son apogée en 1936, au moment de la proclamation de l'empire, avec la conquête de l'Érythrée. En 1937, il a quinze ans, un professeur suppléant du lycée Galvani de Bologne lit aux élèves, en classe, un poème de Rimbaud. Le jeune adolescent a là une révélation. Ce qu'il sent passer à travers ce courant poétique, de manière confuse, spontanée, intuitive, c'est l'autre culture, la culture tout court. C'est dans cette lecture inattendue d'un poème de Rimbaud qu'il perçoit de manière profonde la possibilité d'une position antifasciste. Ce n'est pas une position politique qui l'étreint, c'est un sentiment purement culturel, mais qui va décider indirectement de ses engagements futurs. Pier Paolo rompt en cet instant avec la culture littéraire inculquée préalablement à l'école, celle qui court à travers les œuvres des auteurs officiels : Carducci, D'Annunzio et les autres. Le jeune homme prend conscience de ce qu'il va devenir. Ses idéaux ne seront pas ceux de sa génération, globalement séduite par les sirènes du fascisme. Cette position toute personnelle le fait bientôt s'opposer à ses camarades de lycée, avec lesquels il multiplie les disputes. C'est le début des débats politiques et culturels auxquels il ne cessera désormais de participer de près ou de loin.
[...] Pasolini quitte alors Bologne. Il a passé là quelques mois de sa jeunesse et la ville aura compté dans sa formation intellectuelle. Il y est en effet resté de 1937 à 1938 et de 1942 à 1943. Avec son frère Guido et sa mère, il se réfugie à Casarsa. Il dira plus tard que l'année 1943 figure pour lui parmi les plus belles années de vie Elle fut surtout marquée par l'écrasement du fascisme, et c'est bien cet événement-là que Pasolini voulait caractériser quand il s'exprimait ainsi. [...]
[...] Déjà en effet il analyse dans ce recueil la réalité du fascisme : Le fascisme, à ma grande surprise, n'admettait pas qu'il y eût en Italie des particularismes locaux et des idiomes réfractaires Il est vrai que, pour moi, le fascisme n'était pas un phénomène qui allait de soi à dater de ce jour de 1937 où j'avais découvert la poésie de Rimbaud. Mais, désormais, mon antifascisme cessait d'être un phénomène purement culturel : oui, car le Mal, je l'éprouvais dans ma propre vie. Pasolini est tenté par l'édition. Il s'y essaye avec quelques amis. Ces expériences connaissent un succès variable. [...]
[...] C'est le début des débats politiques et culturels auxquels il ne cessera désormais de participer de près ou de loin. La culture a caressé Pier Paolo Pasolini très jeune de son doigt léger de muse. Avec le soutien de sa mère, bien sûr. La culture de Pier Paolo va se développer jusqu'à devenir véritablement encyclopédique. À cet égard, il sera souvent taxé d'élitisme. Mais la culture est avant tout la substance dont il se nourrit et dont il nourrit son œuvre poétique, son cinéma d'auteur, son écriture. [...]
[...] Mais l'angoisse de la finitude chez Pasolini se prolonge de manière récurrente dans les années qui suivent. Dans Fragment à la mort, Pier Paolo écrit : Je viens de toi et je retourne à toi, sentiment né avec la lumière, avec la chaleur, baptisé dans la joie des vagissements, reconnus en Pier Paolo [ Je reviens à toi, comme un émigré revient à son pays et le redécouvre Mais on pourrait tout aussi bien citer les vers de Timor di me : Oh, une peur terrible ; La joie explose contre ces vitres sur fond d'obscurité, mais une telle joie, qui te fait chanter in voce est un retour à la mort Parfois, dans la multiplication des anaphores, la prophétie n'est pas loin et elle s'avère pour le moins troublante, voire hallucinante de préscience : Moi je resterai là, comme est celui (qui rêve son dommage)[2] sur les bords de la mer où recommence la vie seul ou presque, sur le vieux littoral parmi les ruines d'anciennes civilisations Ravenne Ostie ou Bombay peu importe avec des dieux qui s'écaillent, de vieux problèmes comme la lutte des classes qui se dissolvent Comme un partisan mort avant mai 45 je commencerai peu à peu à me décomposer dans la lumière déchirante de cette mort, poète et citoyen oublié. [...]
[...] [ ] Je pense que la lecture de ces textes provoque en moi une exaltation créatrice, ce qui confirmerait plutôt, d'ailleurs, le caractère métalinguistique de l'action poétique. Les premiers poèmes de Pier Paolo Pasolini sont souvent pleins de l'obsession de la mort, toujours présente derrière la vitalité désespérée qui donne un ton si paradoxal à son œuvre. Cette obsession de la mort affleure de manière intermittente. Elle s'exprime par de lancinantes anaphores. Certains n'ont pas hésité à les interpréter comme des preuves de la mystique suicidaire de Pier Paolo Pasolini. [...]
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