Après un premier acte tout entier consacré à la grandeur impériale, et qui ne laisse apparaître le protagoniste qu'à la cinquième et dernière scène pour lui permettre de faire l'éloge de son art et d'exposer ses goûts en matière de théâtre tout en provoquant également les louanges de l'empereur et de sa famille, l'acte II introduit pleinement le procédé du théâtre dans le théâtre et nous donne à voir les coulisses d'une représentation à l'intérieur même de la pièce. Le deuxième acte est donc tout particulièrement celui du théâtre puisqu'il fait alterner, comme les deux suivants, la pièce-cadre et la représentation du Martyre d'Adrian et permet surtout d'interroger les procédés théâtraux et, à travers eux, les pouvoirs de l'illusion. Nous nous interrogerons donc sur le caractère auto-réflexif de la pièce dans cet acte : comment Rotrou, par le biais du procédé du théâtre dans le théâtre, propose-t-il une interrogation sur les ressorts et le rôle de son art dans la société, en faisant du théâtre le moyen privilégié de l'expression de la lutte entre deux religions et, partant, un reflet de l'univers tout entier. A travers la figure du dédoublement qu'il applique à tous les niveaux, le théâtre se fait questionnement sur le monde.
Après avoir analysé l'apparition sur le devant de la scène des coulisses du théâtre, à travers le procédé du théâtre dans le théâtre qui donne lieu ici à un dévoilement des préoccupations des acteurs comme du directeur de troupe, nous étudierons comment ce dédoublement théâtral permet de représenter au mieux les différentes étapes d'une double conversion, et d'interroger ainsi les relations des hommes avec les puissances supérieures. Notre analyse débouchera alors sur la mise en évidence d'un questionnement profond concernant les relations entre illusion et réalité.
[...] Mais ce dédoublement de la pièce permet également de rendre plus percutante la conversion du protagoniste, la dialectique entre le jeu de l'acteur et la vraie vie du personnage permettant d'envisager au mieux le combat qui fait rage à l'intérieur même du futur Saint Genest. II- La représentation des différentes étapes d'une conversion Parallèlement à celui de la pièce de théâtre, le dédoublement se fait ici figure essentielle pour envisager le combat que se livrent religion païenne et religion chrétienne au sein du protagoniste : ce dédoublement s'exprime à la fois à travers le monologue, qui divise l'être, et à travers le débat qui met en présence deux thèses radicalement opposées. [...]
[...] Notre analyse débouchera alors sur la mise en évidence d'un questionnement profond concernant les relations entre illusion et réalité. L'apparition sur le devant de la scène des coulisses du théâtre Si trois des cinq actes du Véritable Saint Genest mettent en scène le procédé du théâtre dans le théâtre, seul l'acte deux développe réellement une réflexion sur les techniques propres à cet art en les présentant directement au public : ce deuxième acte possède donc à la fois un rôle documentaire sur les coulisses du théâtre et les conditions de représentation à l'époque et un rôle de déclencheur du thème du dédoublement qui se lira dans toute la pièce. [...]
[...] Les pouvoirs du langage Rotrou interroge donc ici les pouvoirs du langage et l'importance de la polysémie dans la langue française. Le dédoublement du langage fait alors écho au dédoublement du personnage et ce n'est qu'au moment où les spectateurs apprendront la conversion de Genest, devenu alors un autre Adrian, que ces expressions prendront tout leur sens : le langage sera alors réunifié (en ayant pour tous le même sens, tandis qu'auparavant, selon le degré de connaissance de Genest, le public intérieur et le public premier n'interprétaient pas les mots de la même façon) tout comme le personnage d'Adrian-Genest uni par une même foi. [...]
[...] Ainsi, le changement d'acte perd son caractère parfois arbitraire et permet de lier encore mieux les deux pièces. L'envers du décor mis en avant La décoration A deux reprises dans cet acte dans les scènes 1 et 5 apparaît le personnage du décorateur : il ouvre l'acte avec Genest par un dialogue technique concernant le décor puis clôt la vision des coulisses lorsqu'il allume la scène. Sa place est donc stratégique puisqu'il encadre l'ensemble de cinq scènes consacré à la présentation de l'envers du décor Le dialogue initial confronte Genest directeur de troupe à un subalterne, le décorateur (puisqu'il l'enjoint d'« alle[r] prépare[r] la lumière à qui il reproche le manque de magnificence du décor, son insuffisance en somme : il aurait aimé y voir plus de jour et plus de hauteur ; selon lui, le décorateur aurait dû enrichir les ornements et donner davantage de diversité et de vivacité dans ses coloris et carnations Autant dire que Genest présente des goûts bien affirmés représentatifs de ceux de l'époque, ou, pour le moins, de ceux de l'Hôtel de Bourgogne où étaient représentées les pièces de Rotrou ? [...]
[...] Ce monologue se retrouvera en intégralité quelques scènes plus loin, dans la scène 7 du même acte, où le personnage d'Adrian réaffirmera sa résolution de mourir en martyre, comme pour se convaincre une dernière fois. Mais la présence à l'ouverture de la pièce intérieure de ce monologue de la résolution rend la fin d'Adrian totalement définitive, et ruine d'avance toute tentative, de Flavie ou de Natalie - si elle eût été opposée à cette conversion - de raisonner Adrian ; cela explique ainsi le titre de la pièce intérieure, qui concerne le Martyre d'Adrian et non sa conversion. [...]
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