Jacques le fataliste a été composé, par ajouts successifs, à partir de 1765. Il paraît en douze livraisons à partir de 1778, dans La Correspondance littéraire, revue manuscrite publiée à vingt exemplaires pour quelques monarques et privilégiés. La même revue publie ensuite des « lacunes » destinées à s'insérer au sein de l'ouvrage. Diderot, enfin, ajoute quatre-vingts pages en 1783, l'année qui précède sa mort. Le grand public ne connaîtra le texte complet de Jacques le Fataliste qu'en 1796, soit douze ans après la disparition de Diderot.
Jacques le Fataliste a donc occupé, au moins épisodiquement, toute la fin de la vie de Diderot. Cette œuvre visait un public essentiellement posthume, mis à part quelques privilégiés qui ont pu en bénéficier soit au cours de lectures publiques, soit dans la Correspondance littéraire.
La critique en a surtout discuté les aspects philosophiques. Ce roman est aujourd'hui considéré comme une œuvre annonçant la littérature moderne et notamment certains aspects du « nouveau roman ». Si la modernité de Jacques le Fataliste ne fait aucun doute, il est plus exact de dire que Diderot a voulu utiliser la liberté du genre romanesque, les « normes » n'en ayant pas encore été fixées.
Jusqu'au milieu du XVIIIème siècle dominent le roman autobiographique, le roman burlesque, le roman précieux. Diderot utilisera ce fonds, soit pour le critiquer, soit pour y puiser des techniques. Mais c'est surtout des romans anglais, de Swift, de Richardson, de Sterne, que Jacques le Fataliste s'inspirera, Diderot avouant même certains emprunts à Tristram Shandy.
[...] même si c'est pour l'abdiquer, de son plein gré, par pitié pour le lecteur : Ils en seront quittes l'un et l'autre pour une mauvaise nuit et vous pour ce délai ou par fidélité au réel : Il ne s'agit pas seulement d'être vrai, mais [il faut] être plaisant Faut-il suivre ceux qui pensent que Diderot a des scrupules moraux face aux conséquences extrêmes de son matérialisme : matérialisme écartelé entre le cœur et la raison, entre la diable de philosophie et l'humanisme de Diderot ? Faut-il s'en remettre à ceux qui, comme Eric Walter, penchent pour une utilisation volontaire de la fiction pour organiser une coexistence narrative entre discours hétérogènes et contradictoires ? Voltaire a écrit : Les livres les plus utiles sont ceux dont le lecteur fait lui-même la moitié Indéniablement Jacques le Fataliste est un de ces livres. [...]
[...] Il agit à l'identique dans les allégories : celle du château est infligée au lecteur à titre de pénitence, puis abandonnée par le narrateur. C'est le même procédé dans le pittoresque : les interruptions domestiques au début du récit de l'hôtesse et le tableau par lequel le narrateur interrompt de nouveau celle-ci à un moment critique de son histoire. Le statut du narrateur omniscient est malmené. Là, j'entends un vacarme . - Vous entendez ! Vous n'y étiez pas, il ne s'agit pas de vous. - [ . [...]
[...] Le passage très libre du passé au présent de narration permet de rendre l'action plus actuelle. Le glissement insensible du tableau à la Greuze dans la cruche cassée au récit par le passage de l'imparfait au passé simple. L'utilisation de dialogues théâtraux est soulignée par la présentation typographique des dialogues et des didascalies - les indications scéniques Tous ces procédés de la présence produisent aussi l'effet inverse : la distanciation. La technique du portrait en action Si le portrait psychologique, héritage du roman précieux, est critiqué, c'est au profit de cette technique, plus vraie» pour Diderot, le portrait en action : la description physique est réduite au strict minimum, pour céder la place à celle du comportement comme dans le portrait d'Hudson. [...]
[...] Le défenseur du libre arbitre est non seulement inférieur en intelligence à Jacques : Son maître ne disait rien cela est trop fort pour moi mais est qualifié ironiquement automate ce que confirme la démonstration que fait Jacques de la vanité des prétentions du maître à la liberté. Jacques le Fataliste : un roman paradoxal L'utilisation d'une langue non philosophique est déjà source de malentendus. On est fataliste, et à chaque instant on pense, on parle, on écrit comme si l'on persévérait dans le préjugé de la liberté, préjugé . [...]
[...] Il évite de conclure son histoire, pour s'effacer derrière la personne de l'éditeur, lequel propose trois fins possibles, il en est de même dans les deux versions de l'histoire de la paysanne renversée ou du comportement de Jacques lorsqu'il est ivre. L'indécidable C'est précisément à force de dénoncer les artifices romanesques que le narrateur brise tout effet de réel A force de dénoncer le vraisemblable au nom du vrai, la réalité n'apparaît plus que comme un théâtre où règne l'illusion. Faut-il prendre au sérieux les prétéritions du style de celle qui constitue le titre d'un autre roman de Diderot : Ceci n'est pas un conte ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture