Quand Todorov rédige son introduction à la littérature fantastique, le nouveau roman vient de mettre à bas les genres littéraires connus et observés dès l'antiquité, posant aux théoriciens de nouvelles questions et les obligeant à redéfinir la littérature. Ainsi, alors que le texte emprunte des voies jusqu'alors inexplorées, il devient très réductif et presque impossible de définir un genre à partir d'un corpus littéraire exhaustif, sans tenir compte à la fois des œuvres relevant de plusieurs genres, et des œuvres potentielles, non encore écrites : « Il faut dresser un tableau des possibles tel que les œuvres littéraires existantes apparaissent comme des cas particuliers réalisés » (Todorov). La poétique « comme nom de tout ce qui à trait à la création ou à la composition d'ouvrages dont le langage est à la fois la substance et le moyen » se propose de théoriser la littérature en interrogeant les propriétés de ce type particulier de discours. Todorov s'applique donc, dans cette introduction à la littérature fantastique à réaliser « l'établissement d'une loi générale dont [un] texte particulier est le produit. » (Todorov, Poétique page 19) Il tente ainsi de proposer une définition du genre fantastique applicable de tous temps et sur tous les textes écrits ou à venir. Le fantastique est souvent reconnu non comme un genre littéraire tel que le roman ou la nouvelle, mais une sensation particulière que le texte, où un film par exemple, provoque chez le lecteur.
[...] Le fantastique implique aussi la fiction et se distingue de la poésie. Ainsi, nulle part dans le Horla nous ne trouvons de rimes, de vers, même si les descriptions des pensées inspirées au personnage par le Horla peuvent nous évoquer une prose lyrique et poétique : Mais, direz vous, le papillon ! une fleur qui vole ! J'en rêve un qui serait grand comme cent univers, avec des ailes dont je ne puis même exprimer la forme, la beauté, la couleur et le mouvement. [...]
[...] Le miroir est d'ailleurs un élément fondamental du genre fantastique : il est présent à tous les moments où les personnages du conte doivent faire un pas décisif vers le surnaturel C'est suite à l'épisode du miroir que le héros décide de tuer le Horla et fait venir le serrurier, ce qui lui permettra d'enfermer de l'enfermer dans l'incendie de sa demeure. La vision spéculaire a conforté le personnage dans sa croyance surnaturelle, et propulse un peu plus le fantastique vers le merveilleux. Mais le miroir nous pousse vers la thématique du double. [...]
[...] Ce personnage narrateur obtient donc la confiance du lecteur qui ne remet pas ses paroles en doute. De plus, cette première personne racontante, c'est-à- dire énonciatrice facilite l'identification du lecteur au personnage, puisque celui n'a pas de nom, et que le pronom je appartient à tous. Le narrateur du Horla est comme le prévoit Todorov, un homme moyen auquel il est facile de s'identifier, puisqu'il mène avant l'irruption du surnaturel, une vie somme toute proche de la nôtre. Cependant, rien ne nous empêche de penser que notre narrateur est fou et de douter de sa parole, si ce n'est qu'il est ce narrateur qui seul nous dévoile cette histoire, ce qui entraîne chez nous, lecteur, une confiance très paradoxale, qui facilite l'apparition du fantastique : Certes, je me croirais fou, absolument fou, si je n'étais conscient, si je ne connaissais parfaitement mon état. [...]
[...] L'autre n'intervient pas, puisque le Horla n'est qu'un autre soi même. Nous sommes donc face à un réseau pur des thèmes du je, dont le thème du tu est totalement exclu, et notre œuvre relève donc, si on subdivise la littérature fantastique en deux champs, du premier, celui du je- cela qui exclu le je-tu Le Horla relève thématiquement de la relation entre l'homme et le monde, du système perception-conscience.» Mais comme notre personnage qui se demande souvent s'il n'est pas en train de devenir fou, il nous faut nous poser la question de la schizophrénie, dotant plus que notre texte met en avant la figure du double ; Todorov nous indique à ce sujet : le schizophrène refuse la communication et l'intersubjectivité. [...]
[...] Et les peuples de là haut le regardent passer, extasiés et ravis ! . Ce passage très poétique dans ses thèmes ne l'est guère dans sa forme. Il ne doit pas entraîner le lecteur vers une lecture faussée mais relève plutôt d'une conception du Horla comme un double de l'homme sensible, amateur de fleurs et de poésie, mais nous y reviendrons. Or le fantastique se distingue aussi de l'allégorie. En effet, rien dans le Horla ne nous indique explicitement un double sens, cette nouvelle ne relève pas de l'interprétation. [...]
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