C'est en 1678 que naît véritablement le Théâtre de la Foire, avec la troupe de sauteurs d'Alard. Dès lors, les spectacles ne cessent de se développer, à la Foire Saint-Laurent et à la Foire Saint-Germain. Le succès de ces pièces est tel qu'il menace la notoriété de la Comédie Française et du Théâtre Italien. Ceux-ci mettent alors tout en œuvre pour affaiblir les théâtres forains et les empêcher de se développer à leur détriment. Ils n'ont donc cesse de multiplier les interdictions à l'encontre des représentations foraines, tout au long du XVIIIème siècle. Si les dramaturges forains imaginent plusieurs stratagèmes pour contourner ces interdictions, l'on peut tout de même se demander dans quelle mesure ces mêmes interdictions ont nui aux spectacles.
Nous verrons dans un premier temps que les interdits font peu à peu disparaître le spectacle et réduisent l'écriture dramaturgique à son degré le plus simple. Puis, nous nous intéresserons à la façon dont les Forains contournent habilement ces interdictions et développent ainsi une forme théâtrale qui leur est propre. Enfin, nous verrons comment les dramaturges se servent de ces interdictions comme d'un art, en les sublimant et les utilisant pour servir leur cause.
[...] Cependant, il apparaît vite que les Forains savent contourner ces interdits et développer un autre type de théâtre, en accentuant les lazzis et le grand spectacle. Enfin, nous avons constaté que les contraintes devenaient peu à peu un véritable mode d'écriture, que les auteurs savent utiliser pour accentuer la portée subversive de leurs pièces, l'ironie ou la dramaturgie, tout en développant une nouvelle façon de concevoir le théâtre. Il semble donc que les interdits n'ont nui au spectacle que dans une très petite mesure et sont au contraire devenus un des points forts du Théâtre de la Foire, qui s'est développé grâce à cela et qui a su créer une forme particulière d'art, encore aujourd'hui peu connue mais dont l'on redécouvre peu à peu la finesse et la subtilité d'écriture. [...]
[...] L'utilisation des chants contribue donc à développer la complicité entre l'auteur et le spectateur et, loin d'être une contrainte, elle devient un art. L'art de la contrainte peut même parfois aller plus loin en se servant de l'ironie pour dénoncer ces mêmes contraintes et se moquer de la Comédie Française, ainsi que du Théâtre Italien, de façon détournée. L'Ombre de la Foire en est certainement l'exemple le plus frappant, puisque Arlequin, sous l'appellation deux fameuses magiciennes accuse la Comédie Française et le Théâtre Italien d'avoir enlevé ses camarades et justifie ensuite l'utilisation du monologue par cet enlèvement. [...]
[...] Les Forains contournent donc habilement l'interdit en orientant leurs pièces vers un autre genre de représentation, où domine le geste. On peut le remarquer également dans la grande utilisation qui est faite des machineries de théâtre. La plupart sont inspirées des effets spécieux que l'on trouve à l'Opéra et tentent de retranscrire l'aspect spectaculaire de ses représentations. Ainsi, Lesage et d'Orneval se servent d'effets spéciaux pour faire apparaître l'ombre de la Foire dans la pièce du même nom. Dans La Matrone d'Ephèse, la machinerie est réduite à un simple pommier qui tourne sur lui-même, mais qui permet les nombreux lazzis d'Arlequin et Mezzetin. [...]
[...] Comme nous l'avons dit plus haut, la parole devenant difficile, les auteurs de la Foire privilégient les lazzis et le jeu de scène comique. Loin d'être un appauvrissement du spectacle, cela contribue à en faire un autre type de théâtre, où le comique est essentiellement gestuel. Même si cette évolution du théâtre vers un jeu scénique plus développé peut sembler inintéressante aux yeux de certains, il faut tout de même noter le succès qu'ont eu ces pièces auprès du public. [...]
[...] Ainsi, les auteurs forains, sous le joug des interdictions, s'y dérobent tout de même et orientent alors leurs pièces vers un aspect plus spectaculaire et plus mimétique, se tournant vers une autre forme de théâtre, mais qui reste avant tout un spectacle. Pourtant, ne peut-on pas dire que ces interdits, loin d'être des contraintes, deviennent un art et permettent aux forains de sublimer leurs pièces en utilisant subtilement cette forme de censure ? En effet, la volonté de dépasser ces contraintes et de donner un spectacle malgré tout a permis aux Forains d'élaborer de nouvelles formes théâtrales et de développer des aspects peu exploités du théâtre. [...]
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