Au cours des différentes époques, les écrivains ont livré à travers leurs romans diverses visions de l'Homme et du monde. L'incipit d'un roman est, comme le définit le critique Andrea del Lungo « le lieu stratégique du texte ». En effet, l'incipit peut-être considéré comme le « microcosme » de l'œuvre puisque c'est dans ce début de roman que sont concentrées les idées directrices de l'œuvre et qu'apparaît donc « la veine » du roman. Nous nous demanderons donc en quoi l'incipit est révélateur de la vision de l'écrivain sur l'Homme et le monde.
Le XIXe siècle, caractérisé par la Révolution industrielle marque le début de la lutte des classes, de l'importance accordée au statut social et donc à la volonté d'ascension sociale. Les incipit des écrivains du XIXe siècle rendent donc chacun compte de cette situation historique, mais leurs auteurs vont également transmettre leur propre vision de l'Homme et du monde.
[...] Dans ce roman sur l'alcoolisme, les références y sont nombreuses : l'hôtel par exemple est couleur de vin De plus l'avenir de Gervaise est bouché, elle ne peut pas apercevoir ce qu'il y a au-delà de l'hôpital et surtout du mur de l'octroi. D'ailleurs, au-delà, c'est le désert Gervaise semble donc enfermée dans ce quartier dont elle va subir l'influence. Chez Flaubert, l'homme semble toujours être voué à l'échec. On retrouve cette vision de l'Homme et du monde dans l'incipit de Madame Bovary. Ici, il est toujours question de place et d'ascension sociale mais les personnages, particulièrement Charles Bovary, appartiennent à la petite bourgeoisie. [...]
[...] Nous pouvons alors mettre en opposition la vision de Malraux, pour qui l'homme est réellement acteur, responsable de et conscient de ses actes et la vision existentialiste et absurde d'Albert Camus et de Jean-Paul Sartre, pour qui l'Homme se caractérise certes par ce qu'il fait, mais semble plutôt être impuissant, ne pouvant être qu'un observateur ou un rapporteur, souvent désemparé face monde, presque une victime, dont les actions individuelles ne changeront pas le cours des évènements. L'incipit de La Condition Humaine de Malraux qui évoque la Chine de Tchang Kaï-Chek (1887-1975) et ses conflits politiques, rend aussi compte de la vision de l'écrivain sur l'Homme et le monde. En effet, l'incipit est in media res, et le lecteur est plongé dans l'action dès le début du roman. Tchen, s'apprête à assassiner un trafiquant d'armes endormi, et les évènements sont vécus par le lecteur en même temps que le personnage. [...]
[...] L'incipit de La Peste de Camus, qui représente de façon allégorique le nazisme, est, comme celle de L'Etranger révélatrice de la vision de l'écrivain sur l'Homme et le monde : elle est présentée sous forme de chronique et l'on apprendra à la fin du récit que son auteur est le personnage principal : Rieux. L'objectivité et le ton neutre de la chronique et la volonté de ne pas faire apparaître le nom de son auteur sont aussi représentatifs de l'Homme qui seul, ne peut être qu'observateur ou rapporteur des évènements : Les curieux évènements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194. [...]
[...] L'incipit de Gobseck est révélateur de la vision de Balzac sur l'Homme et le monde. En effet, la scène débute dans le salon de la vicomtesse Mme de Grandlieu qui entretient une conversation avec sa fille Camille qui est amoureuse de Ernest de Restaud, fils de Madame Restaud, née Goriot. Madame de Grandlieu désapprouve cet amour pour des raisons d'argent : on retrouve ici la vision de l'Homme et du monde de Balzac. Mme Grandlieu refuse cette union car Ernest de Restaud ne possède pas assez d'argent pour épouser sa fille, sa mère étant dépensière et ne pourrait donc pas apporter aux Grandlieu une place plus importante encore dans la hiérarchie sociale : Toutes les familles trembleront de confier à ce petit Restaud l'avenir et la fortune d'une jeune fille ; Il est temps Mme la vicomtesse que je vous compte une histoire qui vous fera changer votre jugement sur la fortune du comte Ernest de Restaud On voit donc bien dès l'incipit que selon Balzac, l'Homme est près à tout pour son ascension sociale, et donc que l'argent est au cœur de toutes les relations. [...]
[...] Les Nouveaux Romanciers contestent le roman de type balzacien en s'inspirant par exemple de L'Etranger d'Albert Camus ou de La Nausée de Jean-Paul Sartre. Le nouveau roman rejette le personnage traditionnel que l'on retrouvait chez Zola ou Balzac, chez lequel l'origine familiale et sociale était entièrement décrite. Dans le Nouveau Roman au contraire, le personnage devient anonyme et ambigu. Selon les écrivains du Nouveau Roman, l'Homme est le produit d'une époque qui voit s'imposer les masses et le doute de la nature humaine au détriment de l'individu seul. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture