Un des thèmes majeurs de La Curée est l'inceste entre Renée Saccard et son beau-fils Maxime, issu du premier mariage d'Aristide Saccard. Maxime, qui n'a que sept ans de moins que sa belle-mère, a toujours entretenu avec celle-ci des rapports complices : arrivé tout ignorant de sa province, il est devenu grâce à elle un dandy expert dans la pratique des vices à la mode.
Le lien intertextuel entre l'histoire de Renée, présentée comme une « fleur du Second Empire », et celle de Phèdre est attesté dans les notes préparatoires de Zola (« Décidément, c'est une nouvelle Phèdre que je veux faire ») et exhibé dans le livre par le procédé de la mise en abyme : Renée assiste avec Maxime à une représentation de la pièce de Racine.
[...] L'inceste participe donc à la satire sociale. Il suggère le dérèglement de toute une société, au même titre que l'homosexualité (représentée dans le roman par le couple formé par Adeline d'Espanet et Suzanne Haffner, et par le personnage de Baptiste, le valet de chambre de Renée). La fusion des mêmes sangs ou des mêmes sexes sont des perversions qui définissent aux yeux de Renée un monde supérieur à la morale commune II) La serre : un espace mythique adjuvant de l'inceste L'inceste est aussi lié à un espace mythique caractéristique de l'écriture zolienne (comme le puits dans Germinal). [...]
[...] cette famille de parlementaires que sont les Arnauld). Il lui a transmis des instincts de vieille et honnête bourgeoisie et la crainte du ciel et de l'enfer qui se manifestent chez elle par des sursauts de lucidité. Ainsi, après le passage à l'acte dans un cabinet particulier du Café Riche (au chapitre IV, équivalent de l'acte IV d'une tragédie, là où le drame se noue), elle sombre dans le remords : C'est infâme, ce que nous venons de faire là, murmura-t-elle, dégrisée, la face vieillie et toute grave C'est cette conscience de la faute qui en fait un personnage tragique, à la différence de Maxime, pour qui l'inceste ne signifie rien. [...]
[...] Elle refuse ensuite dans un premier temps de renouer avec son mari, comme si se réserver à Maxime était une façon de moraliser l'inceste. Mais le retour de Saccard dans le lit de son épouse fait clairement basculer la tragédie dans le vaudeville. La position de Renée évoque alors celle de la future Gervaise, qui, dans L'Assommoir, vit entre Coupeau, son mari, et Lantier, son premier amant. Quant à Maxime, qui est bien loin de partager la pureté d'Hippolyte, il accepte parfaitement de partager Renée avec son père. [...]
[...] Lorsqu'il assiste avec Renée à la représentation de Phèdre, Maxime fait une plaisanterie qui contraste fortement avec les angoisses existentielles de sa belle-mère : C'est moi, murmura-t-il, qui avais raison de ne pas m'approcher de la mer, à Trouville. Pourquoi ? lui demanda-t-elle étonnée, ne comprenant pas. Mais le monstre Et il eut un petit ricanement [allusion au monstre qui surgit des flots pour tuer Hippolyte, que Thésée a voué à la malédiction de Neptune]. Cette remarque déplacée transforme le spectacle en bouffonnerie : Cette plaisanterie glaça la jeune femme. Tout se détraqua dans sa tête. [...]
[...] Renée mord aussi symboliquement dans la feuille empoisonnée du Tanghin de Madagascar, reproduisant ainsi le geste d'Eve mordant dans le fruit défendu La serre matérialise enfin le renversement des valeurs qui caractérise la vision zolienne du Second Empire et qui est à l'origine du drame de Renée (ce qu'elle pense être une lourde faute s'inscrit en réalité dans les mœurs du temps) : l'atmosphère surchauffée et humide qui y règne contraste en effet avec le froid vif de l'hiver. Ce renversement est redoublé par l'inversion des rôles dans la relation incestueuse. Maxime subit la domination de Renée, qui joue le rôle de l'homme (elle porte d'ailleurs un prénom qui peut-être masculin ou féminin). [...]
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