Le Roman de la Rose dépeint la trajectoire d'un rêveur qui souhaite métaphoriquement cueillir la rose, autrement dit, il s'inscrit, à la suite d'Ovide et d'André Le Chapelain, dans un art d'aimer. Mais il serait réducteur de limiter cette œuvre à cette seule quête amoureuse. Il s'agit d'entrer dans un rêve allégorique, aussi tout l'intérêt réside dans la façon dont nous apparaît le monde que pénètre le rêveur. Les descriptions de personnages successifs, du mur aux images ou de la carole par exemple, ainsi que le jardin de Déduit qui peu à peu se transforme au fil du roman, sont autant d'éléments qui malgré l'apparence de pures descriptions ornementales, nous montrent précisément la complexité du roman. Il y a une profusion, dans le lexique de substantifs et de verbe ayant trait, cela paraît évident, au sens de la vue, mais aussi à l'image et à l'apparence. En effet, à l'époque médiévale, l'image possède trois sens : 1° Sens concret et étymologique de « représentation, reproduction matérielle en deux ou trois dimensions de quelqu'un ou quelque chose », puis « image, dessin, peinture », mais aussi « statue ». 2° Sens abstraits de « reproduction exacte ou analogique, image ». 3° Représentation par la pensée, image mentale ». L'image est donc à la fois palpable, une représentation et elle est également abstraite, figuration mentale. Qu'en est-il alors de la semblance ? Une première définition reprend le sens étymologique latin de « ressemblance, être semblable ». Puis un deuxième sens plus précis caractérise « l'apparence, l'aspect », « la manière d'être, le comportement, l'attitude ». Ainsi, nous pouvons retirer de ces deux termes plusieurs perspectives : tout d'abord, la perspective picturale qui entend donner au lecteur les tableaux qui se présentent aux yeux du rêveur. Cela interroge ainsi la façon dont le texte qui va mettre vers ces « images ». La seconde perspective serait celle de la représentation : l'image peut être mentale, donc représentée dans l'esprit du rêveur et donnée au lecteur, mais aussi la semblance semble jouer de cette représentation en donnant la ressemblance ou l'apparence des choses.
[...] En revanche à partir de la figure Envie, le lexique change. On passe de l'image, au portrait à la peinture présence des verbes portraite peindre etc. Après refu portraite envie Delez anvie auques pres iere Tristece pointe en la mesiere Apres fu vieillesce portraite une hésitation sur Papelardie on retourne au terme ymage Une ymage ot ilec escrite mais la présence de escrite peut nous faire pencher vers l'hypothèse de l'image, enfin Portraite fu au desrenier//Povretez Mais Lorris ne s'arrête pas là dans la description technique. [...]
[...] 557) n'est-ce pas ici encore un signe de cette importance de l'apparence ? 2. Le système métaphorique de la Rose L'image et la semblance entrent également dans un système métaphorique. La première image et métaphore qui prédomine dans le texte est celle du bouton de rose qui va attirer l'œil du poète, la rose est bien entendu une image pour qualifier la jeune fille. mais à aucun moment notre texte révèle cela. Mais plus précisément, si l'on peut se rattacher aux images et métaphores à proprement parler à savoir les portraits et apparences des figures du mur ou bien de la carole. [...]
[...] apparaît toujours dans un système métaphorique, imagé. Il est donc question de partir d'une image concrète comme la Vieillesse pour entrer dans une description de l'image afin de divaguer ensuite dans un système métaphorique ou comparatif. En revanche, une fois que le poète rêveur est entré dans le verger, on quitte le jeu des images pour le jeu des apparences. Les personnages de la carole ne sont présentés que par leurs apparences physiques évinçant tout caractère moral. Par glissements de sens, nous avons pu voir la façon dont les différentes polysémies des termes images et semblances pouvaient s'appliquer au texte de Guillaume de Lorris. [...]
[...] Finalement, tout le verger est enclos dans le cristal. Autrement dit, l'image et l'apparence capturent les êtres, le rêveur en se mirant dans la fontaine du verger dit être pris au piège : p.120 : Ades me plot a demorer, A la fontaine, remirer Et es cristaus qui me mostroient . C. mile choses qui paroient. Mes de fort eure me miré : Las, tant en ai puis soupiré ! Cil mireors m'a deceü [ ] Ainsi, les reflets, l'eau les miroirs, les cristaux sont autant de moyens de réfléchir l'image et l'apparence, mais sont également autant de subterfuges pour emprisonner l'homme. [...]
[...] p.114 : Icil maintenant s'esbaï Car ses ombres tout le traï, Qu'il cuida veoir la figure D'un enfant bel a demesure. [ ] Bien li fut lors guerredone Qu'il musa tant a la fontaine, Qu'il ama son ombre demeine. Ces quelques vers montrent bien la trahison du reflet, d'une image que l'on croit voir. L'emploi du mythe de Narcisse programme la leçon que le lecteur et le poète rêveur doivent retenir. Guillaume de Lorris effectivement aborde ensuite la question du miroir périlleux qui se trouve dans le verger de Déduit et des deux cristaux. [...]
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