Au XVIIème siècle, le théâtre se donne la mission d'instruire et de plaire. Corneille s'emploie à cette double mission dans l'Illusion Comique, créée en 1635.Dans cette tragi-comédie, Pridamant consulte le puissant mage Alcandre afin d'obtenir des nouvelles de son fils Clindor qu'il n'a pas vu depuis 10 ans. Pour satisfaire la curiosité de son visiteur, Alcandre fait apparaître des spectres dans sa grotte qui représentent Clindor et ceux qui l'entourent et qui permettent de suivre ses aventures. Ainsi Pridamant devenu spectateur, assiste impuissant à l'assassinat de son fils dans la scène5 de l'acte V. Dans la scène 6, qui semble être un dénouement tragique, il laisse éclater son désespoir jusqu'au moment où il s'aperçoit avec étonnement que la fin est plus heureuse que prévu.
On peut donc se demander: comment dans cette scène de dénouement Alcandre parvient-il à dissiper les réticences de Pridamant quant à la réussite professionnelle de son fils ?
Nous allons donc étudier cette scène finale en organisant notre approche autour de trois axes, coïncidant avec le déroulement de la scène. Nous verrons tout d'abord en quoi il s'agit d'un coup de théâtre final (v 1725-1780), puis nous montrerons en quoi le discours d'Alcandre est un éloge du théâtre (v 1781-1806) ; enfin, nous verrons que ce dénouement a une visée didactique (v 1807-1824, fin de la scène, de l'acte et de l'œuvre ).
[...] Il coïncide avec la fin de la mise en abyme du théâtre dans le théâtre. Par conséquent, on a un retour dans la grotte d'Alcandre. Supplice et surprise de Pridamant Convaincu de la mort de son fils, Pridamant sombre dans un profond désespoir, vers 1731 à 1736. En père digne jusque dans la douleur, il ne se lamente pas 1738), mais annonce son intention de se suicider pour ne pas suivre au chagrin qui l'étreint (v1740). Alcandre ne cherche pas, dans un premier temps du moins, à le rassurer. [...]
[...] On trouve également un éloge lyrique, construit à partir de tournures superlatives, telles que divertissement le plus doux le premier rang les plus rares esprits et d'un meilleur regard mais aussi par des adverbes d'intensité comme le si de : est en un point si haut et d'un spectacle si beau Alcandre va même jusqu'à s'adresser aux protecteurs du théâtre (Richelieu au vers 1789, Louis XIII au vers 1793) ; il se dessine un Corneille politique que l'on retrouvera dans le Cid et Cinna. Le théâtre prend une autre fonction que le divertissement. Le dramaturge se doit de célébrer la monarchie de droit divin qui le protège. Ainsi le vers 1793 a une fonction de louange destinée au roi. Le champ lexical des héros qui s'est vidé d'ironie et de comique a pris une valeur d'éloge courtisane, il flatte le roi. [...]
[...] - La réaction de Pridamant est curieuse, il n'accorde pas d'intérêt à l'illusion à laquelle il vient d'assister. Ce qui le surprend et l'irrite, c'est d'apprendre le métier de son fils : v 1765 Mon fils comédien ! Pour un père qui croyait à un haut rang d'honneur, c'est un vrai coup de théâtre. Pridamant rêvait sans doute pour son fils d'un avenir et d'une profession stable. Or, il est acteur, métier socialement très déconsidéré, nourrit de préjugés habituels de la bourgeoisie et de la noblesse du XVIIème siècle. [...]
[...] Ainsi, grâce à son métier, il obtient à la foi honneur, gloire et fortune. - Alcandre tente avec succès de faire accepter à Pridamant la nouvelle concernant le métier de son fils. Il remet en cause tous les préjugés et rappelle sa mauvaise conduite passée. C'est un médiateur non seulement pour le réconcilier avec son fils mais surtout pour le réconcilier avec le théâtre. Alcandre est omniprésent, déjà dans le premier acte, D'orante déclarait : Rien n'est secret pour lui dans tout l'univers v 59 ; Ainsi vers 1753 à 1760, il fournit des explications à Pridamant en usant du présent de vérité générale, pour lui faire comprendre que son fils est devenu acteur. [...]
[...] Mais ce dénouement célèbre aussi la place du théâtre au XVIIème siècle, comme art à part entière. Il est aussi distrayant que sérieux. Même s'il pratique l'illusion, c'est pour mieux édifier le spectateur et le ramener à des jugements plus justes et plus conformes à la morale. [...]
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