Né au cœur du XIX siècle, (1857), L'Arrière Saison d'Adalbert Stifter s'inscrit dans la longue lignée des bildgunsroman, terme allemand employé pour qualifier le roman de formation. L'engouement pour ce type d'œuvre s'est étendu sur toute l'Europe occidentale avec plus ou moins d'ampleur. Pour sa part, Stifter met en scène dans son œuvre un idéal de formation, vécut étape par étape par son personnage principal, le jeune Heinrich que l'on suit depuis la prime enfance et ce jusqu'à ses noces. On ne devient cependant pas homme sans franchir des étapes, et comme pour la chenille, l'être humain doit connaître le stade de chrysalide avant de se réaliser et de devenir un papillon capable de voler de ses propres ailes. Ainsi, Heinrich connaîtra lui aussi trois phases d'évolution. Après avoir reçu une éducation bourgeoise modérée et adaptée aux convictions de son père, il abandonnera sa forme de chenille à la suite de ses premières confrontations avec le monde réel lors de l'épisode de l'orage, instant clef qui lui permettra de prendre conscience de la limite de ses connaissances. Grâce à son hôte et ami de la maison des roses, Heinrich va peu à peu approfondir son expérimentation de la nature et former sa propre chrysalide, ce qui lui permettra après avoir perçu l'essence des choses, d'éprouver peu à peu la beauté et de formuler sa propre esthétique.
[...] Ainsi, nous suivrons à notre tour l'évolution de ce personnage au fil de l'œuvre ce qui nous permettra de mettre en lumière l'idéal de formation véhiculé par Stifter dans l'Arrière Saison. L'intérieur Education bourgeoise L'éducation bourgeoise passe par le primat de l'ordre dominé par la figure paternelle qui gère tout. C'est lui qui véhicule des notions telles que l'ordre, le rangement, l'organisation. Dans l'univers de notre protagoniste chaque chose a une place, selon les prescriptions du père, par exemple chaque livre consulté doit être remis à sa place. De même on lui inculque que chaque homme a sa place bien définie au sein de la société. [...]
[...] Mais l'on gâte assurément la possession du beau, pour qui l'eût découvert sinon de son propre mouvement. Je supposais chez vous ce mouvement, aussi vous attendais-je de fort bonne grâce. Ainsi, l'expérience esthétique ne peut être qu'individuelle et ne peut arriver qu'à un instant privilégié, peut être celui où le cœur est le plus apte à recevoir le beau, mais certainement aussi celui où l'esprit est assez formé pour percevoir cette même beauté. Ainsi, cette première confrontation quasi physique avec le beau marque un tournant décisif dans la formation et dans la réalisation de cet être qui vient enfin de rencontrer l'art. [...]
[...] Il n'est pas ici question de métier. C'est grave, très grave et l'humanité devient toujours plus moutonnière. Quand un choix est encore possible, quand on est dispensé d'aller gagner son pain, comme on dit, on devrait prendre très clairement conscience de ses facultés avant de leur assigner un champ d'action. Mais e doit on pas choisir dans la jeunesse avant qu'il ne soit trop tard ? Et est-on toujours à même de prendre conscience de ses facultés dans sa jeunesse ? [...]
[...] La question, de prime abord, m'étonna car il n'avait point coutume de me consulter en ces choses. Heinrich, qui découvre sous un jour nouveau des œuvres qui jusqu'alors ne l'avaient guère marqué, fait preuve d'un jugement artistique certes récent, mais particulièrement fin et il nous faut admettre qu'il a acquis un véritable savoir en matière d'art. Complétude de l'individu Cependant, Heinrich éprouve un sentiment d'accomplissement nouveau : il se réalise en effet la véritable nature de son père et la trouve similaire à la sienne : La révérence à l'endroit du père, qui, sans bruit, était plus que ce qu'avait pressenti le fils et qui avait patiemment attendu le fils pour voir si son chemin croiserait le sien, ne fut pas le seul fruit de ce jour. [...]
[...] Ce personnage d'une discrétion exemplaire va peu à peu laisser ses sentiments s'exprimer et prendre confiance en lui. Ainsi par exemple, à la page 338, alors qu'il vient d'apprendre de son père le don de la table de musique, Heinrich laisse éclater sa joie, et lui qui d'habitude est très prévenant en matière de civilité, décide de rejoindre son hôte et ami sur l'heure pour lui manifester sa reconnaissance : Je dois me transporter sur l'heure chez mon ami m'écriai-je On le constate donc, notre personnage s'affirme plus grandement, il occupe une place vraiment privilégiée à la maison des roses où ses appartements lui sont réservés et entretenus en permanence de sorte qu'il lui est possible de venir à sa guise : il a réellement pris place dans cette famille dont il est devenu un membre à part entière. [...]
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