Tentons, en guise d'introduction, d'élaborer une définition de l'hystérie : L'adjectif « hystérique », qui apparaît au XVIe siècle dans la langue française, est créé à partir du terme utérus, cet organe féminin qui serait à l'origine des troubles psychiques féminins.
Tel que les pulsions et les désirs féminins intériorisés, cet organe mystérieux et intérieur est tout autant contenu. L'hystérie peut alors être métaphorisée par l'accouchement : tel un enfant inconnu dans le corps de la femme jusqu'à sa naissance, cette dernière expulse lors des crises son intériorité d'une façon violente et théâtrale.
Cette pathologie s'empare du personnage, le rend étranger à lui-même. En 1677, Racine utilise ce dérèglement mental et physiologique dans sa tragédie la plus célèbre pour illustrer le déchirement interne de Phèdre, victime de la passion adultère et incestueuse qu'elle éprouve envers son beau-fils Hippolyte.
[...] Cette gradation tout au long de la pièce illustre la théorie d'Hippocrate, selon qui l'utérus se déplace souvent dans le corps des femmes et provoque les symptômes de l'hystérie. Ce désir brutal la pousse à déclarer son amour à Hippolyte, dépassée par son désir, tandis que D'Aubignac affirmait qu' ne faut jamais qu'une femme fasse entendre de sa propre bouche à un homme qu'elle éprouve de l'amour pour lui A la fin de l'aveu à son beau-fils, acte II scène le désir de l'approcher, de le toucher la possède. Par cette ultime tentative, Phèdre tente de profiter d'une occasion qu'elle ne retrouvera jamais plus. [...]
[...] Pour conclure, Phèdre est l'hystérie incarnée, c'est son conflit intérieur qui est l'objet de la narration et qui déclenche les actions des personnages. La crise d'hystérie est le point d'origine de tout le déroulement dont le seul aboutissement possible est le suicide. La maladie ne réside sans doute pas dans son amour pour le fils de son mari, mais plutôt dans son incapacité à se contenir, de jouir et de se réjouir de ce qu'elle a. Cette passion pathologique ne peut qu'entraîner la souffrance et la mort, celle des autres puis la sienne. [...]
[...] C'est un rêve de fusion totale, un fantasme souligné par l'emploi du conditionnel. Ainsi à sa passion destructrice, vient s'ajouter un nouveau visage, celui du désir d'autodestruction. Pourtant Phèdre fait tout son possible pour convaincre Hippolyte qu'elle a tenté de résister à sa passion J'aime. Ne pense pas qu'au moment que je t'aime ; innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même (v. 673-674) C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé (v.685) ou encore Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ? [...]
[...] Les femmes sont victimes de l'hystérie comme Phèdre est victime des Dieux qui la contrôlent depuis son propre intérieur, elle ne peut lutter Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle ; de séduire le cœur d'une faible mortelle. (v.681-682). Cette pathologie obsédante, cet odieux amour comme le qualifie Phèdre, incarne la fatalité même qui prive de toute liberté. J'ai langui, j'ai séché dans les feux, dans les larmes (v. 690) : Cette image évoque un anéantissement progressif, un processus fatal et destructeur. [...]
[...] L'épée d'Hippolyte dont Phèdre s'empare pour se la plonger dans le corps est un symbole on ne peut plus phallique. La mort par l'épée apparaît comme un rapport sexuel, une pénétration refusée par Hippolyte. Les derniers mots d'Hippolyte adressés à Phèdre sont Et je vais (v. 670). Cette ultime phrase qu'il ne peut achever marque sa résolution à fuir, d'échapper au monstre incestueux et à sa possessivité. Mais Phèdre ne le laisse pas finir et ainsi le soumettant au silence pour le posséder, le condamne. [...]
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