Humour, ironie, dérision, Ahmed Rassim
Ahmed Rassin, écrivain francophone d'Egypte, est ce qu'on pourrait appeler un auteur multiple. Multiple par la variété de genre qu'il a utilisé, il est en effet tantôt poète, tantôt diariste, tantôt « romancier » et tantôt traducteur de proverbes. Chez le marchand de musc (recueil de proverbes publié en 1934), Le petit libraire Oustaz Ali (récit agrémenté de proverbes, publié en 1942, 1943), et le Journal d'un pauvre fonctionnaire (journal autobiographique) sont ses oeuvres les plus connues et se sont aussi les oeuvres dont nous allons nous intéresser dans ce dossier. Car elles ont toutes un point commun qui fait d'ailleurs partie intégrale du style d'Ahmed Rassim, à savoir l'humour. Parfois nous parlons d'humour, parfois d'ironie, ou encore parfois de dérision mais dans tous les cas, Rassim ne peut se passer de ces petits traits de légèreté même quand il traite d'un sujet sérieux (et même surtout quand il parle d'un sujet sérieux voire tabou). Nous pourrions même dire que l'humour est un des traits qui le caractérise le mieux. De plus son côté « décalé » laisse transparaître de véritables réflexions et doutes sur de nombreuses questions (tels que le rôle de Dieu, la vie etc). Nous verrons donc que l'utilisation de l'humour chez Rassim n'est pas seulement un moyen pour faire rire, ni pour faire de son oeuvre une « comédie ». Mais auparavant, il serait nécessaire de bien déterminer ce qu'est que l'humour, l'ironie et la dérision. On parle généralement d'humour mais il en existe plusieurs formes et plusieurs subtilités (que nous tenterons de démontrer au cours de cette étude). Le propre de l'humour est de saisir un aspect de la réalité pour le détourner ou en montrer l'absurdité et/ou le ridicule. L'ironie est plus difficile à cerner car plus subtile (nous en voyons parfois là où il n'y en a pas) et consiste à dire le contraire de ce que l'on pense. Quand à la dérision, elle se place directement du côté de la moquerie méprisante pure et simple et n'est donc pas difficile à repérer.
[...] Les proverbes transcrivent également ce sentiment d'humour et d'ironie tristes (par exemple ce proverbe ressemble à une scènette comique mais montre une réalité qui est loin d'être comique : On dit au juge : Un chien a pissé sur un mur. Il dit : Il faut abattre ce mur-là. Mais on dit encore : C'est celui qui nous sépare de vous. Et lui de répondre : Certes, un peu d'eau le purifiera. Le Journal d'un archiviste). Peut être Ahmed Rassim s'inspire t-il de ce système? Si nous regardons cette phrase : Il est des femmes qui savent partager la vie d'un homme. En deux. (Le Journal d'un pauvre fonctionnaire), nous pouvons répondre par l'affirmative. [...]
[...] Tu te rends compte de la vitesse du vent. En une phrase, Rassim arrive à faire de l'humour décalé, un peu à la manière des proverbes qui, en une phrase (parfois deux), présentent une vérité universelle avec légèreté. Ici l'exemple ne présente pas une vérité ou un fait qui pourrait faire réflechir le lecteur, mais bien souvent, l'humour bref de Rassim porte à la réflexion. Car, plus la sentence est courte, plus le lecteur est libre de l'interpréter comme il le souhaite. [...]
[...] Le proverbe est une phrase courte qui doit résumer en quelques mots une vérité ou un fait universel, pour que tout le monde puisse s'y retrouver. Cependant le proverbe arabe est très différent du proverbe français. Alors qu'en France, le proverbe respire le sérieux et la gravité, le proverbe arabe peut paraître décalé et désinvolte. Pour mieux comprendre prenons un proverbe français et un proverbe arabe : exempleS. Si la femme était un être fréquentable, Dieu en aurait créé une pour lui. [...]
[...] Je le sais, maître . j'ai lu vos livres. Ici, il met en scène Victor Cousin et Aurélien Scholl et imagine ce qu'ils pourraient se dire s'ils se recontraient. Il est intéressant de voir qu'ils conversent en plus sur leur conception de l'humour (qu'ils n'ont d'ailleurs pas du tout en commun). Cette mise en scène est complétement insolite et humouristique (on le voit bien à la dernière réplique d'Aurélien Scholl, qui répond par l'humour à une critique négative qu'on lui adresse). [...]
[...] En effet, il est partisan de l'humour que je qualifierais de bref : Rassim développe des idées, raconte une histoire vécue en plusieurs lignes puis, en une phrase humoristique, il détruit tout ce qu'il a construit avant. Prenons l'exemple simple dans Le Journal d'un archiviste, il fait le portrait d'un homme qu'il connait, la description paraît en soi normale (particulière, mais normale) et la dernière phrase a l'effet d'une chûte : Ziwer : Un médecin-né qui a échoué aux Affaires Étrangères. Un cœur d'or. Toujours à la recherche de quelqu'un à renseigner. [...]
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