L'oeuvre de Victor Hugo, extrêmement vaste et variée, est profondément marquée par le thème politique. C'est vrai pour sa poésie, puisque même la plus lyrique comme le recueil des Contemplations est susceptible d'une lecture politique. C'est vrai également pour son théâtre.
Nous nous pencherons plus particulièrement sur deux pièces, qui par leurs correspondances peuvent être considérées comme les deux volets d'une seule oeuvre. Il s'agit d'Hernani et Ruy Blas, composées respectivement en 1830 et 1838 et souvent envisagées comme un diptyque espagnol, sur l'apogée et la décadence d'une dynastie.
Hugo donne de son théâtre cette définition "Le théâtre est une tribune, le théâtre est une chaire", faisant ainsi le choix d'un théâtre engagé. Pourtant le politique n'est pas la fonction première du théâtre, et on peut lire ses pièces pour leur simple valeur narrative et scénique. Mais on s'aperçoit qu'elles véhiculent un engagement de l'auteur qui transparaît dans toute son oeuvre.
Il semble effectivement que derrière le thème historique se révèlent des préoccupations politiques bien contemporaines. De plus, l'esthétique même de ces pièces, pensées comme des applications des théories romantiques sur le théâtre, apparaît comme un engagement politique. Mais ce ne sont pas pour autant des pièces à thèse, et Hugo se garde bien de tout didactisme.
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Le thème de ces pièces, des intrigues romanesques pleines d'aventure et d'amour situées dans une Espagne historique, semble a priori bien loin du politique. Pourtant ce choix du passé et de l'étranger n'est pas incompatible avec une interrogation actuelle sur le présent historique. Les spectateurs ne s'y trompent pas, et la censure non plus. L'intrigue de ces pièces apparaît comme un moyen pour Hugo de diffuser ses idées politiques auprès du plus grand nombre. Hernani, l'histoire d'un bandit partagé entre son amour et son désir de vengeance, est aussi l'histoire du passage d'un monde vieilli représenté par don Ruy Gomez, à la nécessite d'un monde nouveau symbolisé par Charlequint. Or, cette pièce prend une résonance nouvelle à la veille de la révolution de Juillet, avec le régime vieillissant, le besoin d'un monde nouveau (...)
[...] Ainsi, le passage sublime où don Ruy Gomez se sacrifie en passant en revue ses illustres ancêtres est relativisé par le dédain de don Carlos. Le grotesque est toujours présent pour questionner le sublime, pour relativiser et empêcher de proposer un modèle définitif. Hugo réalise donc des pièces politiques, mais pas politiciennes, et il veille à toujours laisser le spectateur libre de son jugement. Conclusion: Hernani et Ruy Blas s'inscrivent dans une tendance du théâtre des années 1830 qui tend à se politiser et à s'engager. [...]
[...] 1)Un discours interrogatif Ces pièces posent finalement plus de questions qu'elles n'apportent de réponse en terme de politique. Malgré les notes d'espoir présentes à la fin de chaque pièce (don Carlos et ses rêves de souverain éclairé, Hernani symbolisant la revanche du peuple) les dénouements catastrophiques (dans Hernani, c'est quasiment une hécatombe) apparaissent comme une manifestation de pessimisme politique. De plus, c'est un théâtre où tout le monde est perdant (même don Carlos, qui ne devient un grand souverain qu'en abandonnant son bonheur d'homme). [...]
[...] De plus, le but de ce théâtre est bien de plaire et instruire, de faire passer, à travers une histoire, un message politique. 3)La bataille d'Hernani: une bataille esthétique et politique La fameuse bataille d'Hernani était aussi bien une bataille esthétique, portant sur les innovations du théâtre romantique, que politique. La bataille d'Hernani était une bataille préparée, car le texte était déjà connu, aussi bien du côté de ses détracteurs que de ses défenseurs. Il avait été soumis à la Censure, qui a fait supprimer des vers et aurait bien voulu l'interdire dans son intégralité. [...]
[...] De plus, l'esthétique même de ces pièces, pensées comme des applications des théories romantiques sur le théâtre, apparaît comme un engagement politique. Mais ce ne sont pas pour autant des pièces à thèse, et Hugo se garde bien de tout didactisme. I-Des thèmes politiques derrière le sujet historique 1)L'Histoire espagnole comme miroir de l'actualité française Le thème de ces pièces, des intrigues romanesques pleines d'aventure et d'amour situées dans une Espagne historique, semble a priori bien loin du politique. Pourtant ce choix du passé et de l'étranger n'est pas incompatible avec une interrogation actuelle sur le présent historique. [...]
[...] On peut donc lire Hernani et Ruy Blas comme un diptyque politique, concentrant derrière les intrigues particulières la destinée d'un régime, en deux volets: l'accession au pouvoir et la fin d'un règne. 2)Une remise en cause du régime actuel Au delà de la simple peinture de la réalité politique contemporaine, ces pièces apparaissent comme une critique politique, une remise en cause du régime et de ses fondements. Elles critiquent des sociétés monarchiques bloquées, où l'homme du peuple n'a pas d'avenir. Ainsi, le brillant Ruy Blas ne peut devenir quelqu'un qu'en devenant quelqu'un d'autre et en se faisant passer pour un noble. [...]
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