Annie Amartin-Serin écrit la phrase suivante, à propos des romanciers : « Que le créateur soit encore un magicien doté du prestige des alchimistes du Moyen Âge, ou d'ores et déjà un savant fort de ses connaissance positives, cet apprenti sorcier qui tente de fabriquer une créature artificielle à son image est porteur de tous les rêves prométhéens, mais aussi de toutes les craintes. » (Annie Amartin-Serin, La Création défiée. L'homme fabriqué dans la littérature, Paris, Puf, « Littératures européennes », 1996).
D'après cette citation, nous pouvons nous demander ce qui conduit immanquablement les créatures littéraires à devenir de monstrueuses inventions.
[...] Cette littérature mettant en scène un homme artificiel a pour support un cadre scientifique qui a les mêmes intentions d'un livre à l'autre. Nous verrons que ce cadre est, dans un premier temps, un moyen de « faire vrai ». Dans un deuxième temps, nous aborderons la science comme argument d'autorité, et dans un troisième temps, nous verrons que ce cadre est transgressé par des imprécisions. En effet, la littérature qui a pour premier objet la science est une littérature veut faire plonger le lecteur dans une réalité convaincante. [...]
[...] Dans nos trois œuvres, des imprécisions viennent mettre en doute le côté scientifique du texte. Certes, les écrivains sont renseignés, mais derrière l'utilisation de ce vocabulaire jargonnant, nous perçons la faille, soit l'amateurisme scientifique. Bien qu'il s'agisse d'excellents auteurs, leurs connaissances scientifiques restent limitées. Dans Frankenstein ou le Prométhée moderne, Victor Frankenstein refuse de décrire la façon dont il a fait vivre le monstre. Ici, l'auteur ne peut cacher que cette avancée scientifique n'est qu'un mythe et que la science ne permet pas encore - ne permettra sans doute pas - d'y parvenir. [...]
[...] Chaque jour, il renaîtra pour subir son sort les nuits suivantes. Il est donc l'image de la résurrection. En cela, le monstre créé par Frankenstein se rapproche de Prométhée, car il est un être-vivant composé d'êtres morts, donc un personnage ressuscité. Outre le fantasme mythologique, c'est un fantasme scientifique qui irrigue l'œuvre. L'ancêtre de la robotique, tout d'abord, est l'automate. Il existe depuis la fin du Moyen Âge et atteint une renommée au XVIe siècle, grâce au peintre et inventeur Léonard de Vinci, et notamment grâce au Lion ou au Chevalier mécanique, automates imaginés par de Vinci. [...]
[...] De l'argument scientifique comme des imprécisions, cette littérature de l'homme artificiel encourage à un besoin de faire vrai, une envie de pousser le lecteur à y croire. Derrière le cadre scientifique se cache le désir de l'auteur : être un créateur. Le fantasme de la création le plus aboutit est celui qui égale l'être divin, soit la possibilité de créer une créature à son image. Ce fantasme de devenir le Créateur en modelant sa propre créature existe depuis la nuit des temps. [...]
[...] Je me précipitai vers la fenêtre et, tirant un pistolet de mon sein, je fis feu sur lui ; mais il s'échappa [ . ].» Les dangers de la créature sont comparables aux dangers du progrès. Avec la révolution industrielle, l'idée que tout est perfectible émerge dans la société. Mais très vite, et dès Rousseau, on dénoncera le progrès. Dans L'Ève future, p.122-123, la citation suivante nous éclaire sur les dangers du progrès : « Tout couteau peut devenir poignard ». [...]
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