L' Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage apparaît comme une œuvre d'une extrême richesse. Richesse de forme tout d'abord tant les aventures du héros éponyme sont nombreuses. Parti d'Oviedo à l'age de 17 ans Gil Blas parcoure l'Espagne et nous relate l'histoire de sa vie. Les récits s'enchaînent au gré des hasards et de ses rencontres dans un extraordinaire foisonnement. Pourtant, derrière le divertissement de ces innombrables aventures, se cache une richesse de fond. C'est en tout cas ce que laisse entendre Gil dans son avis au lecteur. En effet, l'avant propos « Gil Blas au lecteur »est une invitation à tirer profit et sagesse de la lecture de l'histoire de sa vie. Cette intervention revêt la forme d'un apologue et nous raconte l'histoire de deux jeunes écoliers face à une mystérieuse inscription tombale. Seul l'écolier le plus sagace se prend d'intérêt pour l'inscription et en tire profit. Cette entrée en matière n'est pas sans rappeler Rabelais et son prologue de Gargantua dans lequel il invite son lecteur à imiter le chien trouvant un os et par conséquent, à tirer la « substantifique moelle » de sa lecture. Suite à cet apologue, le narrateur apostrophe son destinataire au moment ou celui-ci se prépare à découvrir les aventures de Gil Blas : « si tu lis avec attention, tu y trouvera, suivant le précepte d'Horace, l'utile mêlé de l'agréable ».Il nous invite donc à dépasser la facilité du plaisir simple de la lecture pour aller vers la réflexion. Selon lui, son œuvre est parsemée d' « instructions morales » et de leçons mais ne néglige pas pour autant l'aspect agréable de la lecture. A l'image de l'écolier curieux, le lecteur doit donc « creuser » l'œuvre pour y trouver l'utile. Lesage inaugure ici l'aspect didactique de son œuvre en nous donnant une véritable leçon de lecture. Sans nous attarder sur l'agréable de l'œuvre, nous nous demanderons quels types de leçons illustrent l'utile de ce roman ?
[...] En effet lorsqu'il quitte sa vile natale, le jeune Gil Blas est un garçon naïf .Son voyage vers Salamanque va être l'occasion pour lui de fréquenter divers groupes sociaux et faire le constat de la perversion des mœurs de ses contemporains. Gil découvre entre autres la médecine, le monde du théâtre et le banditisme. Plus qu'un simple observateur, Gil adopte le mode de fonctionnement et de pensée de ces différents univers. Cette immersion brutale dans le monde va donc être l'occasion pour lui, comme pour le lecteur, de découvrir qu'il n'y a pas de leçons plus utiles que celle du vécu. Ainsi la rencontre de Gil avec le docteur Sangrado va lui permettre de faire l'expérience de la médecine. [...]
[...] Gil explique cette soudaine lucidité par la multiplication des expériences vécues : j'eus besoin de toutes ces preuves pour me désabuser ».Cette prise de distance permet à Gil Blas de tirer lui-même les leçons de cette histoire et non d'en être l'objet, comme ce fut le cas lors de son séjour chez le docteur. Gil fait part au lecteur des remords qui l'envahissent, preuve qu'il a consciences que le comportement des acteurs va à l'encontre de toutes les valeurs fondamentales. Le jeune et crédule Gil laisse place à un homme avisé et capable de jugement. Sa formule quasi proverbiale qui vient conclure son expérience est significative de ce changement : Heureux qui peut ainsi profiter des moments de raison qui viennent troubler les plaisirs dont il est trop occupé. [...]
[...] Lesage y mêle harmonieusement rire et morale, condamne l'excès sous toutes ses formes. Il parvient habilement à lier la fiction romanesque à des leçons pragmatiques et universelles. [...]
[...] L'argent a souvent raison des sentiments, même les plus nobles. Ainsi le sentiment amoureux dans Gil Blas est bien souvent concurrencé par l'intérêt financier. L'exemple le plus parlant est sans doute le duo formé par Camille et Don Raphaël. La fidélité des deux amants est mise à mal par leur goût pour la richesse si bien qu'ils sacrifient leur amour au nom du profit : Cessons de garder une fidélité qui nous ruine .Vous pouvez entête une riche veuve ; je puis charmer quelque vieux seigneur ; si nous continuons à nous être fidèles, voilà deux fortunes manquées ! [...]
[...] Pour dénoncer un monde de faux-semblants, il fait appel à la culture populaire du lecteur et intègre à plusieurs la fable à la fiction romanesque. Lesage prône donc une morale pratique et réaffirme alors son dessein : amener le lecteur à faire preuve de son sens et d'esprit critique. A travers le parcours de Gil enfin, c'est une leçon de sagesse qui est donnée au lecteur. Riche de son expérience, le héros abandonne finalement la débauche au nom de la conscience morale. En définitive, ce roman nous donne une leçon de la juste mesure, utile et salutaire pour le héros comme pour le lecteur. [...]
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