[...]
Définition du héros complétée par de nombreux spécialistes du tragique (cf. Mallet), qui insistent sur l'ambivalence, la dualité, ou l'ambiguïté du héros tragique, traversé par des sentiments, des pulsions contradictoires, et mené par ailleurs à une faute dont il n'est qu'en partie responsable, étant sans doute conjointement « victime du destin » et « de lui-même » ; ses défauts (le plus évident, d'un point de vue classique, se traduit par l'hybris = définie par Patrice Pavis : Fierté ou arrogance funeste. L'hybris pousse le héros à agir et à provoquer les dieux, malgré leurs avertissements, ce qui aboutit à leur vengeance et à sa perte. Ce sentiment est la marque de l'action du héros tragique, toujours prêt à assumer son destin.)
Les défauts du héros, dont l'hybris est le moteur le plus puissant, le conduisent donc en partie à la faute, mais pas uniquement : Claude Puzin rappelle que pour les Grecs anciens, le conflit tragique naissait de la confrontation entre le Destin voulu par les dieux (volonté divine) et les actes des hommes, tentant coûte que coûte d'affirmer leur liberté. Le balancier tragique oscillait donc entre fatalité et liberté, certaines pièces insistant davantage sur la misère de l'homme écrasé par le destin, d'autres mettant davantage en lumière la grandeur du défi jeté aux dieux par le héros. La faute du héros résulte donc à la fois d'une erreur humaine (qui lui est imputable) et d'une volonté supérieure, contre laquelle, en revanche, il ne peut rien. (liberté humaine contre fatalité divine).
Tout ceci revient à poser la question de la liberté relative du héros tragique qui tente toujours, malgré la puissance du dispositif mis en route et quels que soient ses défauts et ses qualités, de lutter jusqu'au bout pour défendre ce qu'il pense être le bon choix.
Le héros tragique agissant pour défendre ce qu'il croit être sa liberté est donc mu par des forces qui lui sont à la fois intérieures (ses propres défauts) et extérieures (une volonté supérieure).
Le héros « problématique » défini par Vernant est donc un « innocent coupable ». Qu'en est-il dans Luces de bohemia ? (...)
[...] image du chien qui vient uriner et lever le regard vers les étoiles, achevant le processus de dégradation de la figure héroïque) sur le pas de sa porte. Max, seul aveugle / lucide halluciné, exploite sa dégradation, sa faiblesse en tant que héros tragique moderne, et en fait précisément une arme, comme on le verra dans la troisième partie ( : son entreprise d'auto-destruction parodique répond à la mise en place d'une stratégie pour combattre à titre posthume et par l'intermédiaire du spectateur qu'il entend transformer cette nouvelle force supérieure cette machine à broyer, qu'est la société moderne. [...]
[...] Or, tout contribue aussi, dans la pièce, à démontrer l'endormissement du premier acteur / spectateur qu'est Max, à l'image de la léthargie du spectateur : Max ne prend pleinement conscience de l'importance de son rôle de témoin actif, de spectateur et écrivain engagé que lorsqu'il est épuisé, à bout, lors de la scène onze qui lui démontre que la tragédie n'est plus sur la scène de la fiction mais dans la rue, sous ses yeux, avec la mort de l'enfant innocent et l'exécution programmée de l'ouvrier catalan force de résistance au pouvoir en place-. C'est cette prise de conscience (le monde est un théâtre) qui décide Max à déclencher la seule forme de résistance possible : offrir au spectateur un nouveau regard pour observer la scène, c'est offrir au citoyen un nouveau regard critique sur le monde. En poussant cette logique jusqu'au bout, on pourrait proposer que le spectateur est en quelque sorte le nouveau héros tragique sur la scène du théâtre du monde. [...]
[...] Ce dégoût qu'incarne Max et que doit ressentir le spectateur est précisément la nouvelle arme qui permet à l'esperpento de fonctionner. III) Le constat d'un héros diminué conduit au renversement du dispositif classique : le spectateur est désormais la seule force agissante capable de se battre et de se rebeller contre la force supérieure. Les nouvelles règles du jeu : c'est le partenaire de jeu, le spectateur endormi qui doit se réveiller de sa passivité coupable et dénoncer, agir contre l' ordre imposé du monde dont la pièce démontre l'injustice ou l'absurdité : le tragique moderne est un appel au désordre citoyen car le spectateur ne peut que constater la défection de la figure héroïque. [...]
[...] Le héros se trouve pris au piège de son environnement, ce dont témoigne la structure de la pièce, circulaire à différents égards. - Max évoque, scène onze (dernière anagnorisis le cercle dantesque dont il est prisonnier círculo dantesco sc. et la structure même de la pièce se fait l'écho de cette perception qui épouse le parcours géographique suivi par Max : il rebrousse chemin après avoir buté sur le callejon del Gato et revient mourir sur le pas de sa porte). Par ailleurs, les critiques María Eugenia March et G. [...]
[...] (liberté humaine contre fatalité divine) Tout ceci revient à poser la question de la liberté relative du héros tragique qui tente toujours, malgré la puissance du dispositif mis en route et quels que soient ses défauts et ses qualités, de lutter jusqu'au bout pour défendre ce qu'il pense être le bon choix. Le héros tragique agissant pour défendre ce qu'il croit être sa liberté est donc mu par des forces qui lui sont à la fois intérieures (ses propres défauts) et extérieures (une volonté supérieure). Le héros problématique défini par Vernant est donc un innocent coupable Qu'en est-il dans Luces de bohemia ? [...]
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