La pièce La guerre de Troie n'aura pas lieu de Giraudoux a été interprétée pour la première fois en 1935. Elle est inspirée, en partie, par l'Iliade d'Homère, texte épique datant du VIII° siècle avant J.-C. environ. Dans quelle mesure une œuvre dramatique du XX° siècle peut-elle respecter une source littéraire antique ?
[...] La figure d'un homme valeureux, sensible aux valeurs familiales et à la tendresse d'une épouse et d'un enfant n'est pas décrite précisément dans l'Iliade. Le lien avec Andromaque est par ailleurs très peu développé. Seul le passage du sixième chant où Andromaque et son fils Astyanax rencontrent Hector et prennent peur à la vue de son casque de guerrier, laisse transparaître la force de ces liens familiaux. Certes les deux personnages font preuve d'une même grandeur morale mais d'autres aspects les différencient. [...]
[...] Hector occupe une place de premier ordre dans le texte dramatique car il incarne le camp de la paix. Il intervient plus souvent dans la pièce que dans l'épopée. Dès le début des deux œuvres, il blâme l'inconséquence de Pâris. Chez Homère il s'adresse à son frère, dans le troisième chant, en l'appelant : misérable Pâris et, chez Giraudoux, il le félicite ironiquement dans la quatrième scène du premier acte en précisant : Tu as bien occupé notre absence Le personnage s'oppose donc à l'acte de Pâris dans les deux textes, même si ses reproches sont plus virulents dans l'Iliade. [...]
[...] Cela résonne comme un constat d'échec du personnage et donc de la paix mais il ne paraît pas dévalorisé comme si son désir de ne pas céder à la violence était déjà une victoire. Il s'agit d'une reprise des traits distinctifs du héros épique adaptée à une situation nouvelle. Cette évolution est obligatoire puisque la pièce est le miroir d'une époque. Elle contient deux référents qui sont le fond légendaire et l'idéologie de l'auteur. Le premier, qui contient des invariants, est modifié par le second. [...]
[...] Hector, dans les deux œuvres, doit résoudre un conflit qu'il n'a pas causé or les méthodes employées et la portée qui lui est octroyée sont différentes. Il est pris dans un système de relations semblable mais son ennemi n'est plus le même : il combat les Grecs chez Homère et il veut éliminer l'hypothèse d'une guerre chez Giraudoux. Dans les deux cas, il est obligé de céder. Cela entraîne nécessairement des variations de caractère. Giraudoux n'a pas changé l'image d'Hector léguée par l'Iliade. Il possède les mêmes attributs et les mêmes vertus que le personnage homérique bien qu'ils soient secondaires et codés. [...]
[...] On peut supposer que ce conflit correspond à la première guerre mondiale et qu'Hector, y ayant participé, ne souhaite pas que cela se reproduise. Le personnage serait donc le témoin d'une période historique et du point de vue de l'auteur. Il permet, en étant opposés à des personnages soutenant la thèse adverse, comme Démokos ou Ulysse, de pousser le spectateur à réfléchir. En dépassant le cadre du héros épique grâce à l'humanisation, il met sa propre réflexion à la portée du public. [...]
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