Le livre XII s'ouvre sur le début de la guerre de Troie et se termine à la mort d'Achille. Au livre XI, Ovide préparait déjà son récit à travers les histoires du cycle troyen. Pourtant de forts contrastes surprenants opposent cet épisode aux autres récits.
Dès lors, le style d'Ovide se métamorphose: le registre lyrique voire élégiaque s'efface au profit du registre épique, Le thème de l'Amour, chanté par Orphée, laisse place au thème de la guerre. En effet, le rapt d'Hélène, cause même de la guerre, n'est que rapidement évoqué dans un seul vers. Et la seule histoire d'amour du livre XII entre Hylonomé et Cyllare n'est qu'une digression. L'Amour tient une place secondaire comme la métamorphose à laquelle il était lié au livre X. Rapidement décrites seulement en fin de récit, les métamorphoses sont peu nombreuses, ambiguës, sans réelle importance et n'ont pas une fonction étiologique. La biche substituée à Iphigénie par Diane, par exemple, permet le départ des Grecs. Liées désormais à la mort, elles permettent aussi aux guerriers mourants de vivre sous une autre forme comme Cygnus. Pourtant le héros Achille meurt sans se métamorphoser. Au sein de cette oeuvre dédiée à l'universelle métamorphose du cosmos, des individus en animaux, végétaux, étoiles, divinités, le récit de la guerre semble émerger d'un nouveau monde.
Pourtant le poète ne se focalise pas sur le récit de cette bataille mémorable comme son lecteur aurait pu le croire. En effet au livre XI l'histoire de « Laomédon et Hésione » raconte la construction de Troie, ville détruite au livre suivant. Au livre XII l'importance du récit de la guerre est seulement secondaire par rapport aux récits de Nestor. La description de la lutte entre les Lapithes et des Centaures est prolixe et détaillée tandis que seuls « Les Grecs à Aulis », « Iphigénie », « Achille et Cygnus » et la « Mort d'Achille » racontent cette guerre de « prés de dix ans ». L'ellipse entre son début et sa fin est surprenante, les principaux affrontements de cette guerre -tel le légendaire duel entre Achille et Hector– sont absents.
Enfin, le passage du Mythe à Histoire est frappant. La guerre de la célèbre ville antique est datée au XIIIeme siècle avant JC. L'œuvre prend une autre dimension, non seulement œuvre littéraire elle devient récit historique. D'un cadre atemporel, on passe alors à l'ère des héros, à un âge du monde défini au livre I.
Cet épisode rappelle le manque d'unité du livre mais quel est en réalité le véritable intérêt de la guerre de Troie.
[...] L'époque d'Ovide, l'antiquité, permet de justifier la présence de cet épisode. Premièrement, l'auteur se sert de Troie pour raconter l'Histoire. La guerre de Troie garde une part d'imaginaire grâce à sa légende. Elle permet donc une transition ingénieuse entre mythe et réalité. Ovide reprend la guerre de Troie pour ancrer son œuvre dans une dimension légendaire. L'époque dans laquelle vit Ovide semble surgir après de longues années où peu à peu les latins ont gagné en prestige depuis cette guerre. [...]
[...] Pourtant le héros Achille meurt sans se métamorphoser. Au sein de cette oeuvre dédiée à l'universelle métamorphose du cosmos, des individus en animaux, végétaux, étoiles, divinités, le récit de la guerre semble émerger d'un nouveau monde. Pourtant le poète ne se focalise pas sur le récit de cette bataille mémorable comme son lecteur aurait pu le croire. En effet au livre XI l'histoire de Laomédon et Hésione raconte la construction de Troie, ville détruite au livre suivant. Au livre XII l'importance du récit de la guerre est seulement secondaire par rapport aux récits de Nestor. [...]
[...] Ovide parodie les épopées et traite cette guerre de manière décalée. Le choix des récits en témoigne : l'auteur remplace les valeurs des récits qui ont marqué ou non la guerre, n'en reprend aucun issu de l'Illiade, et évite celui de la guerre en elle-même, En effet l'importance, la longueur des récits qui préparent la guerre contraste avec les récits lapidaires du début de la guerre, rapide ébauche de la situation de Troie à la veille des combats ; le rapt d'Hélène par Pâris, la vengeance des Grecs, le présage de Calchas. [...]
[...] Mais à l'image d'Enée pour l'Eneide, ou Ulysse pour l'Odyssée, Achille est ici le héros central de la guerre de Troie vue par Ovide. Le mythe du vaillant Achille est réduit en cendre. D'une part, ses origines généalogiques sont blâmables. Pelée, son père, est le remplaçant du grand Jupiter au livre XI, qui ne veut pas d'un enfant plus illustre que lui. Achille n'est pas le fruit de l'amour mais la conséquence d'un viol de Thétis par son père. Il semble né par erreur d'un anti-héros D'autre part sa lutte contre Cygnus l' humilie. [...]
[...] La barbarie remplace l'héroïsme, tout ce qui est à la portée des combattants devient arme ; antique cratère, cruches fragiles, pied d'une table, pierre, buisson Cette violence, ce réalisme du combat dépasse l'horreur. Des lors l'épopée ne fait décrit plus la grandeur des héros mais au contraire dénonce l'absurdité du combat, provoqué ici par l'ivresse d'Eurytus. La démystification d'Achille nous force aussi à réfléchir sur l'héroïsme. Il attribue alors à Rome de nouvelles valeurs non plus fondées sur la renommée de grands combattants. Ce traitement original de la guerre de Troie témoigne donc non seulement de l'histoire antique, mais aussi de l'époque d'Ovide et de sa pensée antimilitariste. [...]
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