« Greuze est toujours honnête, et la foule se presse autour de ses tableaux. » Certes, ce résumé est un peu court pour réellement définir le talent de Greuze. Mais pour Diderot, tout au long des Salons de 1761 à 1765, Greuze est le centre d'intérêt sans doute le plus grand.
Peintre de scène de genre, impressionnant de réalisme et d'implicite, moralisateur et vertueux, il traduit par sa peinture ce que recherche Diderot dans ces Salons, de la beauté, de la grandeur d'âme. La morale est une préoccupation récurrente de Diderot. Le thème apparaît dans ses critiques artistiques, dans son théâtre et dans quelques textes (contes et dialogues), inspirés par un retour dans sa région natale, imprégnée de la droiture morale de son père décédé. Voilà sans doute pourquoi Greuze, qui peint le Père héroïsé, est entouré par toute la bienveillance de Diderot.
Toutefois, le critique d'art est aussi réaliste dans l'élaboration de son discours, si l'œuvre ne plaît pas, elle n'est que peu commentée ; c'est pourquoi, il faut se demander en quoi la critique de Diderot est une occasion pour Greuze d'être plus reconnu, tout comme la peinture de genre ; car la critique appuie de manière nouvelle l'interprétation des toiles, même si elle limite en même temps le génie du peintre.
Aussi, il faut montrer que Greuze est un témoin privilégié de son temps, il suit parfaitement a ligne de conduite que recherche l'auteur ; puis s'intéresser à la composition de la critique que connaît Greuze dans les Salons de Diderot, nouvelle et composite, pour s'interroger sur l'apport de cette critique et ses limites.
[...] (Essais sur la peinture, p.51) Dès lors, la valeur de Greuze ne réside plus seulement dans le choix de la peinture de genre, mais dans cette faculté à exprimer la vie quotidienne, à rendre la vérité dans tous ses détails La peinture devient alors une performance, une rivalité avec le réelle, un emprunt à la vérité. Le tableau devient un espace de vie, un tableau vivant avec ce qu'il y a d'évocations aux sentiments, de beauté dans l'anonymat de ces acteurs. Le talent comme le montre Diderot n'est pas un étalage de grandeur, mais bien quand la géométralité, la réalité et l'expression se croisent dans une œuvre : Je me moque de ces conditions ; cependant, quand elles se rencontrent dans un morceau de peinture par hasard [ . [...]
[...] Voilà un petit trait de poésie tout à fait ingénieux. Salon de 1761, p.168) Par conséquent, le tableau devient sujet d'un espace romanesque, car l'expression des passions misent en place, l'habilité du critique est de prouver sa théorie : L'expression est en général l'image du sentiment. [ ] L'homme entre en colère, il est attentif, il est curieux, il aime, il hait, il méprise, il dédaigne, il admire ; et chacun des mouvements de son âme vient se peindre sur son visage en caractères clairs, évidents, auxquels nous ne nous méprenons jamais. [...]
[...] Diderot s'est inspiré de ses propres souhaits pour recréer plus vivante encore la peinture de Greuze. On est dans le modèle idéal de 1757, ou dans l'idéal misérable dont il parle pour Chardin. Aussi, si la structure rhétorique de Diderot fonctionne, c'est parce qu'elle s'établit dans l'espace peint, mais sans la limiter à celle-ci. Elle s'établit aussi dans l'imaginaire collectif de chaque scène. Reproches et ouverture Toutefois, la critique ne se veut pas seulement, ou trop succinctement méliorative. Elle se veut créatrice ou réductrice. [...]
[...] Il devenait le peintre de la Vertu. Il se faisait le disciple de Diderot, de Diderot son maître et son flatteur ; il dessinait, il composait d'après les règles et la poétique du philosophe ; il aspirait à réaliser le programme jeté en tête de son théâtre ; il visait, comme lui, à faire résonner ou frémir dans les âmes la corde de «l'honnête». Il voulait, avec des couleurs et des lignes, toucher d'une manière intime et profonde, émouvoir, inspirer l'amour du bien, la haine du vice. [...]
[...] Ce jugement simpliste aux abords marque un autre aspect de la critique, l'aspect commercial que représentent ces tableaux de Greuze, qui par le talent du peintre et la beauté du sujet peint deviennent sans prix, ou mieux encore sujet à la copie en émail pour un riche : Une bonne copie en émail est presque regardée comme un original ; et cette sorte de peinture est particulièrement destinée à copier. (Salon de 1761, p.170). La critique opère donc à bien des égards différents, suivant la construction que souhaite emprunter l'auteur. [...]
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