Quand on discute avec Gore Vidal, il semble que rien ne soit tabou. Pas son amitié avec les Kennedy, en tout cas, ni son amitié avec Jack Kerouac, encore moins sa correspondance avec Timothy McVeigh. Mais parlez-lui d'amour, d'enfants ou de l'immortalité, et vous verrez ce qui se passe. Nous rencontrons le grand provocateur avant sa conférence au festival d'Edimbourg.
Gore Vidal habite au sommet d'un falaise qui surplombe la côte d'Amalfi. La brise souffle régulièrement par rafales, soulève la marquise qui sanctionne l'entrée, puis retombe avec elle, partageant le tempérament du vieux célibataire américain qui se dresse dessous, sur son balcon, considérant la mer d'un bleu de cobalt. « Vous savez, dit Gore Vidal avec un large sourire, tous les matins à dix heures un voilier de touristes passe sous mes fenêtres et il me faut entendre une femme qui raconte l'histoire de ma vie dans un haut-parleur. » Pause. « Il est suivi par un autre bateau qui raconte la même histoire en italien. »
[...] Mais que se passe-t-il quand il n'y a plus de planète et plus de race humaine ? La composition d'atomes qui nous constituent vous et moi serons un jour décomposés. Au début des années cinquante, dit-on, Gore Vidal aurait eu une relation avec une serveuse de Key West. La jeune femme aurait été enceinte et aurait choisi de se faire avorter. Si cette histoire est vraie, ne lui arrive-t-il pas de songer à ce qu'aurait pu être sa vie ? [...]
[...] Le non-brillant Bush est né dans un système qu'il considère comme allant de soi. Son père était également corrompu. Au moins avec Kissinger, le tueur mondial, on avait un homme très brillant qui savait comment entrer et sortir d'une salle sur la pointe des pieds. Ces gens-là avancent avec leurs gros sabots. Les écrivains doivent dire la vérité, ou tenter de la dire. C'est ce que pense Gore Vidal. Et les politiciens ne doivent jamais abandonner la partie. Comme écrivain, il a approché le pouvoir de très près. [...]
[...] En fait, Gore Vidal est exactement fidèle à l'image qu'on attend de lui. Sa courtoisie est extrême, le ton est amusé, les flèches qu'il décochent frappent en plein dans le mille, et ses affirmations péremptoires ne souffrent aucune contradiction. Sa conversation est entrecoupée de traits d'humour volontiers sardoniques, comme on peut l'espérer d'un homme qui a affirmé : Ne laissez jamais passer une occasion de faire l'amour ou de passer à la télévision, ou, plus connue encore, la phrase suivante : Quand un ami réussit, c'est un peu de moi qui meurt. [...]
[...] Fuck that, lance-t-il avec un sourire sans joie. Je sais comment l'opinion est fabriquée aux Etats-Unis. Il s'exprime avec lenteur, une sorte de langueur, et sa voix roule les voyelles. Le New York Times est pour nous ce que La Pravda était pour les Soviétiques. McVeigh était le membre d'une conspiration bien plus grande, mais ça ne les intéressait pas. Ils voulaient diaboliser Mc Veigh, comme un fou qui avait tué des enfants. Ils voulaient un nouveau dément solitaire comme Lee Harvey Oswald. [...]
[...] Lloyd Georges, en revanche, n'était pas trop mauvais. Un appétit sexuel serait donc un pré-requis pour un bon leadership ? Cela n'a rien à voir. C'est comme si vous prenez quelqu'un qui mange trop. Cela n'entraîne aucune conséquence sur le style ou la qualité du leadership, sauf dans les pays anglo-saxons où il y a une hystérie à ce sujet. Vous vous êtes intéressé à la vie sexuelle de politiciens de votre époque ? Absolument ! C'est morbide. L'affaire Monica Lewinsky a été le drame politique le plus marquant des dix dernières années aux Etats-Unis. [...]
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