Dissertation de Littérature (Khâgne) s'interrogeant sur le genre romanesque.
[...] C'est ce que dit Virginia Woolf (dont se réclament les Nouveaux Romanciers) dans son essai intitulé The Common Reader : il faut tolérer le spasmodique, l'obscur, le manqué récuser tout discours et tous contours, voir quels sont les langages secrets sous les langages conventionnels, montrer que toute figuration cohérente, compacte du réel, est mensongère. * En conséquence, quand il y a peu nous disions que le roman permettait de changer un chaos en cosmos nous dirions désormais davantage qu'il convient de transformer un cosmos en un certain chaos. [...]
[...] Ce qu'il n'était pas encore. C'est en ayant la conviction que ce jugement peut être reproduit au moment de la création et de la lecture d'un grand roman (celui produit par un écrivain et non un écrivant ce dernier, selon la distinction établie par Barthes, se contentant de réinvestir des formes héritées) que nous voulons donner pleinement raison à Michel Butor : il y a bien quelque chose d'essentiel, tant sur le plan esthétique que moral, dans l'exploration de formes romanesques nouvelles. [...]
[...] De sorte que des formes romanesques contingentes n'appartiennent pas en propre au roman, ne sont au juste que des conventions et non des faits de nature, des conventions fixées par un décret humain tacite, selon Butor puisqu'elles sont camouflées et tues En conséquence, la question radicale de l'être du roman se trouve posée. Posée par qui, à qui ? Le nous qu'emploie Butor est quelque peu équivoque : rédigeant ces propos, il occupe la fonction de critique, cas particulier du lecteur : est-ce ce dernier qui se délivre, ou bien, avant lui le romancier lui-même, lui qui crée l'œuvre ? [...]
[...] Car, même le radical Robbe-Grillet, dans l'article Nouveau Roman, homme nouveau (1961), souligne les divergences introduites par le Nouveau Roman, mais tout en récusant l'idée de table rase : apparaissent là les noms de Stendhal, de Flaubert, de Dostoïevski, de Proust, de Kafka, de Joyce, de Faulkner. Stendhal, pour le fameux récit de la bataille de Waterloo dans La Chartreuse de Parme, débutant ainsi : Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment. Toutefois, la peur ne venait chez lui qu'en seconde ligne; il était surtout scandalisé de ce bruit qui lui faisait mal aux oreilles. L'escorte prit le galop; on traversait une grande pièce de terre labourée, située au-delà du canal, et ce champ était jonché de cadavres. [...]
[...] Le propos est lourd de présupposés et de thèses dont il convient de rappeler le contexte culturel : les formes fixées, le récit fixé auquel s'attaque ici Butor est le roman traditionnel auquel il reproche, à l'unisson avec les Nouveaux Romanciers, d'être naïf vis-à-vis de lui-même, de ses conventions qui sont ainsi par une habitude, une coutume qui, en tant que telle (puisque la coutume est notre seconde nature selon la formule 2 pascalienne), se fait passer pour naturelle, et de la sorte nous trompe, nous aveugle et nous emprisonne (pour faire écho aux verbes démasquer camoufler et délivrer Le phénomène du Nouveau Roman a défrayé la chronique littéraire dans le troisième quart du XXème siècle par une remise en cause profonde de la notion de roman, passant par la remise en cause de ses conventions. Dans les mots de Répertoire l'enjeu pour Butor est de faire comprendre la nécessité (morale et esthétique, nous le verrons) de l'effort de renouvellement du genre romanesque entrepris par le Nouveau Roman. [...]
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