Dissertation sur les problèmes génériques de la trilogie autour d'une citation de Béatrice Didier, La Passion du drame. Il s'agit d'analyser l'oscillation générique, les frontières des genres entre théâtre et roman en analysant les trois pièces : Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro et La Mère coupable
[...] Elle incarne l'histoire des femmes : jeune fille à la fois insouciante et révoltée contre son tuteur, femme mariée en proie aux doutes, dotée d'un époux instable, mais aussi déterminée, intrigante, mère enfin, mais une maternité scellée par le sentiment de culpabilité qui côtoie pourtant une détermination farouche, celle de préserver son fils. Une métamorphose qui prend place dans une temporalité historique attestée : archaïque avec le droit de cuissage, moderne avec les occurrences liées à la révolution française. C'est toute une société qui est mise en scène. L'œuvre de Beaumarchais apparaît alors entre composite et organique. [...]
[...] A ce titre, la posture de la Comtesse est éclairante. C'est celle de la majorité des femmes dans les Belles Lettres. Les personnages de cette nouvelle scène dramatiques sont touchants, humains, ils renvoient à notre histoire, nos sentiments, un miroir qui reflète la société. Il ne s'agit plus d'être effrayés par des actes barbares, des personnages surdimensionnés, presque caricaturaux dans leurs excès, mais d'être émus par une scène qui touche au plus près du quotidien. C'est là une révolution formelle et thématique. [...]
[...] Fort de ses voyages en Espagne, l'auteur de la trilogie est parvenu à recréer l'atmosphère colorée de ce pays méditerranéen. Un terme aussi anodin que celui de camariste concernant la fonction de Suzanne exprime cette couleur locale. En effet, à l'époque de Beaumarchais, c'est le terme de camériste qui est en vigueur, en emprunt à l'espagnol qui s'est francisé mais que Beaumarchais préfère préserver dans son appellation d'origine. Tout est rassemblé afin que le public soit touché, séduit par ces scènes familiales, cette immersion dans son quotidien, cette représentation des discordances qui touchent bien des couples, ces clins d'œil à l'actualité politique. [...]
[...] Son théâtre peut dès lors s'appréhender comme celui d'un stratège qui nomme une trilogie dramatique un roman, non sans polémique. Considérer La Mère coupable comme la pièce maîtresse de la trilogie et non comme un simple rebondissement tardif participe d'un effet de captatio benevolentiae, d'autant plus que la genèse de ses pièces, plus ou moins cernée, dément de tels propos. On se demandera alors dans une troisième et ultime partie, si le théâtre de Beaumarchais, traversé d'ambiguïtés, ne s'établit pas contre un genre en particulier dans une perspective résolument moderne, celle de la marche vers le drame. [...]
[...] La contamination du temps théâtral par le temps romanesque dans le théâtre de Beaumarchais est des plus intéressantes à analyser. L'auteur est l'homme du compromis, cultivant l'art de l'entre deux faisant de ses propres ambiguïtés et de sa dualité une forme d'expression. Une expression qui prend place entre coulisses et scène, texte et paratexte, texte et intertexte, à la frontière des genres. Il y a toujours des seuils de lecture. Homme du compromis, son théâtre est aussi paradoxalement pleinement inscrit dans l'actualité littéraire de l'époque : le roman est alors en essor, tournant orchestré par les romans mémoires et les romans anglais. [...]
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