Lorsque le recueil d'Aloysius Bertrand Gaspard de la nuit. Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Calot est publié en 1842, personne ne prend conscience que ces textes vont révolutionner la poésie et constituer bientôt un nouveau genre appelé « poème en prose ». L'auteur lui-même ne semble pas parvenir à définir son œuvre et évoque dans une correspondance au sujet de Gaspard de la nuit le fait qu'il aurait créé « un nouveau genre de prose ». Cette notion de genre employé ici par Aloysius Bertrand nous invite à réaliser une critique générique du poème en prose. En effet, la formulation de Bertrand laisse entendre que c'est parce qu'ils sont en prose que les poèmes de Gaspard de le nuit vont faire apparaître un genre nouveau. On peut aussi entendre par cette affirmation l'idée d'une prose originale, qui ne trouve pas son égal dans la tradition littéraire. Pour déterminer si Aloysius Bertrand à réellement fonder un nouveau genre de prose il convient donc d'étudier ses textes dans une perspective historique mais également structurale. Ces différentes approches nous permettrons ainsi de déterminer si oui, et dans quelle mesure la prose de Gaspard de la nuit innove.
La prose créée par Bertrand est –elle véritablement novatrice ? Peut –on réellement appliquer la notion de genre à la prose ? Est-ce la prose seule qui est constitutive du poème en prose ?
C'est à ces questions que nous allons tenter de répondre .Nous verrons dans un premier temps que la prose des textes de Gaspard de la nuit reste ancrée dans une certaine tradition littéraire. Puis, nous verrons comment Aloysius Bertrand parvient à se défaire de cette tradition pour créer une nouvelle poétique en prose. Enfin, nous verrons que c'est la notion de genre qui doit ici être remise en cause.
[...] Libérée des contraintes du vers, la poésie en prose que propose Bertrand élargit le champ du poétique en y intégrant le trivial, le prosaïque. C'est justement parce qu'elle opère un mélange des genres que la poésie d'Aloysius Bertrand est si difficile à classer, à enfermer dans un genre Sans parler de véritable nouveau genre de prose on peut parler d'un nouveau genre de poésie qui ne sera consacrée que plus tard lorsque Baudelaire publiera ses Petits poèmes en prose, directement inspirés de l'œuvre de Bertrand. [...]
[...] La prose créée par Bertrand est –elle véritablement novatrice ? Peut réellement appliquer la notion de genre à la prose ? Est-ce la prose seule qui est constitutive du poème en prose ? C'est à ces questions que nous allons tenter de répondre .Nous verrons dans un premier temps que la prose des textes de Gaspard de la nuit reste ancrée dans une certaine tradition littéraire. Puis, nous verrons comment Aloysius Bertrand parvient à se défaire de cette tradition pour créer une nouvelle poétique en prose. [...]
[...] De plus, il semble que, bien avant Aloysius Bertrand, d'autres auteurs soient parvenus à donner une envergure nouvelle, plus poétique, à la prose. Dés lors, on peut mettre en doute le fait que Bertrand soit le véritable créateur d'un nouveau genre de prose comme il l'affirme. En effet, dans son approche historique la critique littéraire s'accorde à dire que la prose se renouvelle avec l'apparition de nouvelles prose dans le récit appelées proses poétiques ».C'est bien avec cette prose poétique plus qu'avec le poème en prose, que s'ébranle les codifications rigides qui séparent jusque là prose et poésie et qu'un genre nouveau est amorcé. [...]
[...] Or, avec Gaspard de la nuit, Bertrand réalise cette double opération. En effet il exemplifie le genre du poème en empruntant les modalités de la poésie versifiée (rythme, structuration ).Le poète affirme d'ailleurs cet emprunt dans les directives qu'il laisse à son metteur en pages : il jettera de larges blancs entre ces couplets comme si c'étaient des strophes en vers ».De plus, il transforme le genre même du poème en utilisant la prose et en ouvrant le poétique à de nouveaux registres. [...]
[...] Cette structure de poèmes- récits est présente dans de nombreux textes du quatrième livre. Il ne semble d'ailleurs pas innocent que Bertrand les ait intitulés Chroniques faisant non seulement référence à un genre narratif bref, mais un genre qui contient l'idée de prosaïsme que nous avons évoqué plus haut. Ainsi, Aloysius Bertrand, loin de révolutionner l'usage de la prose semble se conformer à l'emploi traditionnel de celle-ci et ne la libère pas du carcan narratif et prosaïque dans laquelle elle est enfermée. [...]
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