Lotte Eisner, amie de Fritz Lang jusqu'à sa mort et conservatrice de la Cinémathèque française analysa en détail l'œuvre du réalisateur depuis ses débuts en Allemagne jusqu'à ses derniers films allemands tout en passant par sa période américaine.
Sur le cycle indien de Lang, les derniers films de Fritz Lang lors de son retour en Allemagne, qu'elle qualifie d'œuvre gageuse de Lang, Lotte Eisner écrit que Lang « s'attachait à prouver que ce n'était pas la substance d'une histoire qui comptait, mais la manière dont elle était racontée ». L'essentiel d'une histoire est son traitement par le réalisateur, son appropriation, Lang pour ces deux films indiens à l'histoire feuilletonesque et sans profondeur crée un discours parallèle par la forme de ces deux films. Cette phrase n'est pas sans rappeler le mouvement de la Nouvelle Vague qui prônait la suprématie de la mise en scène sur l'histoire.
Cependant cette phrase attribuée au cycle indien de Lang peut-elle aussi convenir à la période américaine de Fritz Lang ? Comment Lang raconte-t-il ses histoires; Quelle est cette spécificité de Lang aux USA et son approche de l'histoire ?
En quoi la mise en scène de Lang est-elle d'une précision mécanique et est en elle même un moyen de raconter l‘histoire? ; En quoi chez Fritz Lang l'histoire dépasse-t-elle la notion même de divertissement ?
[...] Chaque mouvement de caméra a un but, une raison logique. Rien n'est laissé au hasard dans les films de Lang : le début de Ministry of fear nous montre un personnage qui est libre, qui retourne à la liberté. On ne sait pas où le personnage principal se trouve tant la scène est ambiguë : c'est un travelling latéral qui va révéler finalement que le personnage sort d'un asile. Cette indication va nous être capitale pour la suite. Mais elle est surtout révélatrice dans le film j'ai le droit de vivre : le passage de la mare aux grenouilles, scène pastorale par excellence où Henri Fonda explique que si dans un couple de grenouilles l'une meurt l'autre meurt aussi, mais aussi par les bonds des grenouilles qui troublent l'eau. [...]
[...] Le film se présente sous la forme d'une ballade avec le thème de l'ami loyal. L'ouverture du film marque cependant le film : tout sera observé du point de vue de l'enfant. Lorsqu'il débarque sur Moonfleet le garçon voit une statue qui l'effraie, ainsi qu'une main sortie d'outre-tombe. Il chute. Tout le film est marqué par cette chute, une descente aux enfers initiatique où le petit garçon va croiser la bourgeoisie corrompue et le vice. Raconter une histoire pour Lang c'est faire passer quelque chose. [...]
[...] On observe ce choix dans deux de ses plus grands films américains : While the city sleeps et Beyond a reasonable doubt . En particulier ce dernier qui est entièrement construit sur ce système de film à rebondissements : tout au long du film on suit la fabrication d'indice qui doit mener à un assassin fictif. A chaque révélation sur le meurtre, un nouvel indice est fabriqué, d'autant plus que le héros se lie avec le milieu du meurtre. Toutes les péripéties sont fabriquées devant les yeux des spectateurs (les photos sont d'ailleurs les preuves). [...]
[...] Et surtout révéler derrière le film le propos singulier d'un réalisateur, sa maîtrise de la caméra et de la mise en scène, et son savoir à propos de son sujet. BibliographieFritz Lang de Lotte H. [...]
[...] Dans ministry of fear, le plan de générique d'ouverture du film est une pendule et son tic-tac. Le personnage principal, Neale fixe intensément cette pendule. Cette scène révèle dès le début la nature ambiguë du personnage : en apparence ce plan n'est qu'un détail du décor, mais elle va créer un écho tout au long du film, à la fois visuellement et aussi sonore. Ce plan mène à la scène de spiritisme : une petite assemblée est en cercle tandis qu'une femme invoque un esprit. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture