« Miscere utile dulci », telle est la devise de la majorité des auteurs classiques, qui s'inscrivent par là au XVIIe siècle dans une vision horatienne de la littérature. Il est donc possible de percevoir un lien évident entre des artistes n'opérant pourtant pas dans le même domaine littéraire ou n'ayant pas choisi de se consacrer au même genre. Jean de La Fontaine va ainsi tendre vers cet idéal dans le cadre de la fable tandis que Jean de La Bruyère va choisir celui des « remarques », et Molière celui de la comédie. Mais le terme « cadre » est-il vraiment approprié pour qualifier ces différentes expressions littéraires ? Si La Bruyère se définit lui-même comme « peintre » de la nature humaine et des mœurs de son temps, et si La Fontaine adopte cette même démarche picturale, Molière choisit au contraire le domaine de la gestuelle et du langage vivant, oral, corporel. La notion de théâtralité pourrait-elle s'appliquer également aux Fables et aux Caractères ?
Dans le livre V de son ouvrage, La Fontaine va dès la première fable se livrer à une définition métapoétique de son œuvre, qu'il décrit comme étant « une ample comédie à cent actes divers / Et dont la scène est l'univers ». Si la notion de divertissement, exprimée à travers l'idée de mise en scène et de vivacité stylistique, est inhérente aux fables, une autre dimension est également perceptible dans l'utilisation du terme « comédie ». Celle de l'artifice, de la falsification et du jeu de rôle. Les œuvres étudiées seraient-elles considérées comme des « comédies » destinées à dénoncer la comédie de la société ? Quand à la notion d'« universalité », ne peut-on l'étendre à un champ de réflexion plus vaste que celui auquel la cantonne l'idée de « scène », de simple lieu et support de représentation ?
[...] La Fontaine et La Bruyère : peintres de la nature humaine ou metteurs en scène de la société ? (Les Caractères de Jean de La Bruyère et Les Fables de Jean de La Fontaine) SUJET DE DISSERTATION : Dans la fable 1 du livre V de son œuvre, La Fontaine définit celle-ci comme une ample comédie à cent actes divers / Et dont la scène est l'univers Vous commenterez cette citation en vous appuyant sur les ouvrages étudiés. Miscere utile dulci telle est la devise de la majorité des auteurs classiques, qui s'inscrivent par là au XVIIe siècle dans une vision horatienne de la littérature. [...]
[...] La fable 12 du livre VII en offre un exemple frappant : elle débute sur le ton léger habituel, propre à l'idée de gaîté prônée par l'esthétique galante, et mêle le burlesque au procédé de l'héroï-comique en parodiant le genre homérique plus d'une Hélène au beau plumage / fut le prix du vainqueur Mais cet amusant combat de volailles a pour arrière-plan les interminables guerres qui accablaient la France à l'époque de La Fontaine. Par ailleurs, il serait même possible de voir dans la moralité la tonalité est devenue grave et sérieuse- une dimension propre à la tragédie, à travers l'idée d'un destin inexorable qui pèse sur l'existence de chaque homme, prouvant ainsi leur dérisoire impuissance : Défions-nous du Sort Ce pessimisme est récurrent dans Les Fables, et devient de l'humour noir chez La Bruyère. Celui-ci se lance en effet dans une dénonciation plus acerbe encore que chez La Fontaine. [...]
[...] La Fontaine va utiliser l'hétérométrie tandis que La Bruyère va user de procédés rhétoriques divers dans le but de donner au récit un aspect proche des discussions qui animaient les salons mondains : vivacité, bel esprit diversité des sujets, agrément passant par un vocabulaire choisi Si La Fontaine s'est inspiré de sources anciennes en reprenant la forme traditionnelle de la fable à travers le modèle d'Ésope (écrivain grec ayant vécu entre le VII et le VIe siècle av. J.-C.) et celui, plus récent, de Pilpay (écrivain indien du Ve siècle), il va cependant se lancer dans un travail de rénovation considérable. [...]
[...] Un projet quelque peu paradoxal qui va s'inscrire dans une forme d'écriture particulière : la brièveté est de mise, et l'humour est omniprésent. Jean de La Fontaine et Jean de La Bruyère vont utiliser respectivement la fable et la remarque pour mettre en scène leurs textes où la fiction se mêle à la morale. En utilisant une forme littéraire ancienne -et considérée au XVIIe siècle comme désuète- La Fontaine va reprendre la combinaison d'un corps (l'histoire, le récit contenu dans la fable) et d'une âme (la moralité), pour donner plus d'impact à la dimension morale de son œuvre sans que cela ne se fasse au détriment du plaisir du lecteur. [...]
[...] Mais si l'aspect théâtral des œuvres peut s'apparenter à celui de la comédie (sur un plan universel), la tonalité comique qui les anime s'efface parfois devant une dimension satirique parfois sombre, souvent teintée par le pathétique ou même le tragique. Les Fables et Les Caractères apparaissent sous la forme de comédies au sens littéraire, c'est-à-dire dans un cadre purement stylistique, tout comme la matière thématique qui les constitue. Or la société de l'époque mise en scène apparaît comme étant elle-même une comédie, mais dans le sens de la falsification, de l'artifice et du travestissement. La scène de l'univers serait avant tout le support d'une représentation burlesque qui apparaît plus satirique que comique. [...]
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