L'incipit a d'abord pour objectif de donner vie à une époque, et de faire participer à une aventure qui commence. Le romancier crée l'illusion que l'univers romanesque est aussi dense, aussi concret et aussi vrai que la réalité qui nous entoure. Il donne l'impression d'un puissant effet de réel grâce à la précision et à l'exactitude des détails de sa description, comme le fait. Dumas au début des Trois Mousquetaires. Nous voyons le mousquet ou la pertuisane du bourgeois, le béret orné d'une plume que porte D'Artagnan, son baudrier de peau. En outre la date (premier lundi du mois d'avril 1625) et le lieu (Meung, devant l'hôtellerie du Franc-Meunier) semblent tirés de Mémoires. Comme au cinéma, le lecteur « voit » véritablement le spectacle de la Grande-Rue, de même qu'il détaille du regard le physique et le costume de D'Artagnan au troisième paragraphe. Nous pouvons alors goûter le plaisir de l'évasion, celui de pénétrer dans un nouvel univers, plus passionnant et héroïque que celui de la vie quotidienne.
Dumas reconstitue une époque et nous plonge dans le XVII° siècle, sous le règne de Louis XIII. Le texte évoque l'aristocratie, le bourgeois, les commerçants et artisans, les mendiants même. La mention des loups rappelle la dureté des conditions de vie de ce temps. Romancier historique, l'auteur montre les différents personnages politiques en lutte, le roi Louis XIII et la reine Anne d'Autriche, d'origine espagnole, et d'un autre côté le cardinal de Richelieu, la guerre civile entre catholiques et protestants pour des raisons politiques et religieuses. Il n'oublie pas la guerre menée par la France contre l'Espagne et l'Angleterre, qui soutient les protestants lors du siège de La Rochelle. L'atmosphère d'instabilité et de guerre est bien rendue par la mention des « guerres sourdes ou publiques, secrètes ou patentes » ( lignes 12/13), et celle des armes omniprésentes, mousquets, pertuisanes , épées... La couleur locale contribue à cette résurrection du passé : personnages en mouvement, qui crient et s'enfuient, costumes pittoresques, armes et coutumes. Dumas s'est en effet documenté de façon très sérieuse dans les chroniques et les mémoires d'époque, et le vocabulaire archaïsant, « guerroyaient » (ligne 11), guerres patentes » (ligne 13) « ce susdit lundi du mois d'avril 1625 », concourt à créer l'illusion du passé (...)
[...] Quelles qualités et quelles fonctions doit donc offrir un bon début de roman ? Nous montrerons successivement qu'un incipit doit recréer le monde où il nous introduit, puis nous faire entrer dans l'intimité ou la peau du personnage comme on dit, enfin faciliter la tâche du lecteur par l'adoption de divers points de vue, par l'utilisation de symboles, de thèmes ou de termes clés qui donnent l'envie de poursuivre la lecture. L'incipit a d'abord pour objectif de donner vie à une époque, et de faire participer à une aventure qui commence. [...]
[...] D'où vient cette appellation grotesque de Folcoche ? Mais nous savons qu'un roman ne se limite pas à la création d'un cadre et d'une époque. Il relate surtout la plupart du temps la destinée d'un héros, d'un personnage exemplaire. Comment le romancier procède -t-il pour nous le faire découvrir dès le départ, tout en nous donnant envie de le connaître et de le suivre ? Hervé Bazin utilise dès les premières lignes de son récit la première personne du singulier, comme l'indique la répétition du pronom personnel je et l'utilisation des adjectifs possessifs ma vipère mon nez etc.Le lecteur adopte ainsi dès le départ le point de vue du héros et ne le quittera plus. [...]
[...] Cela laisse entrevoir déjà bien des déceptions et des malheurs. Emma voudra en effet retrouver dans cet homme le prince charmant de ses lectures du couvent, et cela la conduira à l'adultère, aux dépenses inconsidérées et au suicide final. La casquette constitue en quelque sorte l'appendice ridicule d'un être ridicule. On retrouvera Charles plus tard, marié, coiffé d'une casquette, toujours aussi plat et aveugle. Enfin la longue description de la casquette suffit à créer l'atmosphère ennuyeuse et pesante de la province, et à laisser prévoir l'échec du couple. [...]
[...] Ces lettres gigantesques (ligne 33) ne présagent-elles pas le destin hors pair du fils d'un paysan, propriétaire de la scierie ? Dès son entrée en scène, le personnage de Camus perturbe et désoriente le lecteur. Un homme vient d'apprendre brusquement la mort de sa mère par un télégramme : Aujourd'hui maman est morte Un contraste saisissant apparaît entre cette première phrase et ce qui suit. Il y a d'un côté les sentiments et les pensées que nous attendions, et d'un autre, la succession des remarques secondaires et accessoires sur la date exacte de réception du télégramme, la liste des actes rituels à accomplir. [...]
[...] Stendhal d'attache davantage à recréer le décor du Jura et l'époque de la Restauration, Verrières et son maire ultra, M. de Rênal. Le héros véritable n'apparaîtra que dans le chapitre suivant. Flaubert, de son côté, fait une peinture indirecte de l'héroïne à travers le portrait de son futur époux, Charles Bovary, tout en esquissant un rapide tableau de mœurs. H. Bazin nous précipite directement dans l'action, mais se trouve contraint d'indiquer très vite le sens symbolique de la mort de la vipère. [...]
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