Roman gothique, Mouvement des Antiquaires, Angleterre, imagerie gothique, J.W.M. Turner
La grande vogue du Gothique naît avec la fascination des Européens pour l'architecture et les gravures de ruines. Cet engouement va prendre de telles proportions que, dans les années 1720 à 1730 en Angleterre, avec le Mouvement des Antiquaires, de riches particuliers font construire des ruines dans leurs propriétés. Le thème fait également les beaux jours de la peinture notamment grâce à l'œuvre du très influent J.W.M. Turner (1775-1851). Ce style développe un contenu quasiment fixe, avec des images qui finissent par toutes se ressembler tant leurs traits communs sont caractéristiques.
[...] La couleur noire envahit le roman, rien de mystérieux ne semble pouvoir se passer en plein jour. Annie Le Brun parle d'un « affleurement progressif de la couleur noire au cœur de la vie ». L'avènement de cette teinte symbolise celui du vide, nécessaire à toute imagination qui cherche de la place pour se développer « le château gothique se creuse infiniment au moment où le noir l'investit. » On utilisera l'expression de « gloomth » pour parler de cette atmosphère ténébreuse, elle connote la noirceur mais également le climat d'inquiétude et d'horreur qui lui sont associés. [...]
[...] » Le siècle a développé l'idée, incorrecte historiquement, que les Goths ont construits des châteaux-forêts dans lesquels se perdre est une fatalité. Ces constructions sont donc un compromis entre le retour à la Nature et l'urbanisme. Cette complexité dans la construction peut justifier l'absence relative d'intériorité des héroïnes : l'exploration du château apparaît comme une quête sur soi-même, le lien entre le décor et le personnage n'est donc pas si ténu ; plus qu'un prétexte, l'héroïne voit ses émotions traduites dans son environnement. [...]
[...] Son égarement et son isolement sont sensibles dans l'intrication du cadre dans lequel l'héroïne évolue. Plus révélateur encore que les dédales des châteaux gothiques : la noirceur qui les dominent semblent représenter les limites de la compréhension humaine, de la subjectivité. Cette noirceur est constamment accentuée par des effets de clair-obscur : mentaux dans Les Elixirs du Diable, environnementaux pour Ann Radcliffe chez qui l'alternance est mécanique. En effet, le séjour à Udolphe ayant trop duré et risquant de lasser le lecteur, l'auteur envoie son personnage dans un paysage champêtre pendant quelques pages, pour permettre une parenthèse ensoleillée, sans autre motif que de la renvoyer au château et reprendre le cours du récit de manière plus théâtrale, en relançant la tension grâce au contraste : « Ils avaient remarqué la différence du climat chaud de Toscane à l'air piquant de ces régions élevées. [...]
[...] » Il est d'autant plus difficile de distinguer le vrai du faux qu'on ne peut savoir si les lois de la Nature sont respectées qu'avant la résolution finale. De plus, le lecteur est tributaire du personnage qui le guide dans l'obscurité où lui-même a du mal à se retrouver. Tout se passe donc comme si une subjectivité toute puissante empêchait toute objectivité, toute certitude. Tous les personnages, toutes les actions ne semblent être là, ne semblent arriver que pour le protagoniste. Dans Les Elixirs du Diable le hasard fait tomber Médard dans un château où se rendent/ se trouvent son frère, Victorin, et sa sœur Euphémie. [...]
[...] Hoffmann, Les élixirs du diable, Paris, Stock, « Bibliothèque Cosmopolite » Horace Walpole, The Castle of Otranto, Oxford, Oxford World's Classics Annie Le Brun, Les châteaux de la subversion, Garnier, « J.J. [...]
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