En relisant la problématique et en parcourant le roman, nous sommes tentés de dire que le « grotesque triste » est une bonne définition pour caractériser la poétique de désillusion dans L'Education sentimentale. Mais nous pourrions aussi dire, et c'est certainement ce qui caractérise tout aussi bien le roman, c'est qu'il s'agit d'une oeuvre où toute existence se résout dans l'échec (...)
[...] Ils voyageaient ensemble au dos des dromadaires, sous le tendelet des éléphants Frédéric rêve même sa mort où tous les problèmes seraient résolus. Frédéric est défait sur tous les points, que ce soit du point vue professionnel, artistique politique ou bien même surtout- sentimental. En effet, Frédéric ne fait que dépenser sa fortune, la grignoter, il ne travaille pas, il n'est pas aussi ambitieux que Rastignac dans Le père Goriot. L'héritage n'est qu'un moyen pour Flaubert de relancer l'intrigue du roman. On voit déjà que se prépare l'ennui de la lecture. A partir de rien Flaubert élabore son récit. [...]
[...] Plus il y a de raisons d'aboutir pour les personnages, moins ils y arrivent : L'action, pour certains hommes, est d'autant impraticable que le désir est plus fort Chaque épisode où l'on croit en une réalisation possible trouve sa négation en position inverse. L'ironie est donc dans le roman à son paroxysme. Tout n'est qu'illusion comme la dernière entrevue de Frédéric avec madame Arnoux. Il n'y aura jamais de couple. La féminité disparaît pour laisser place à la masculinité dans la troisième partie. [...]
[...] Flaubert le disait lui- même : le seul moyen de ne pas être malheureux, c'est de t'enfermer dans l'art Malraux dira plus tard que l'art est un anti-destin Ce roman où l'illusion poétique s'accroche au non-réalisé est aussi marqué par la temporalité qui galope, mais il s'agit d'un temps sans avenir, d'où la présence du futur antérieur. Les êtres ne font plus l'histoire, ils sont marqués par elle. Il s'agit d'un roman de l'inaction car la société ne permet plus à l'individu d'exercer une prise sur le monde, l'amour lui-même devient alors une illusion, la seule entité victorieuse dans le roman, c'est le temps. Frédéric est un être qui vit dans le passé, il est constamment hors du présent. [...]
[...] Plus il s'approche du but et moins il a de chance de l'atteindre. Cela caractérise le grotesque triste ce mélange de comique et de tragique. Il y une impossibilité à réaliser ses désirs pour les personnages, d'où l'ironie. Cette ironie qui entame son chemin dès les premières pages du roman dans ce bateau transportant toute l'humanité caricaturale, toute une cargaison de ridicules humains comme nous l'indique la préface de Thibaudet. Ce grotesque triste prend forme aussi dans deux directions ; celles ces objets et des lieux. [...]
[...] Frédéric bascule de désillusion en désillusion jusqu'à la constatation de l'échec de son rêve et de l'acceptation de son médiocre destin qui est l'impossibilité d'avoir celle qu'il aime. Comme le disait Oscar Wilde : Tout chemin aboutit au même point : la désillusion L'Education sentimentale est donc un roman qui manque de composition. Les morceaux du réel restent simplement juxtaposés dans leur dureté, leur incohérence et leur isolement. La vie de Frédéric est aussi inconsistante que le monde qui l'entoure. [...]
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