L'homme a-t-il cessé de s'inquiéter? Un semblant d'inquiétude s'exprime de nos jours dans des écrits de divers genres. Le mot "fin" s'y rencontre: du journal pour "SDF" à Paris, jusqu'à l'oeuvre philosophique , en passant par la géophysique , l'histoire et même la politique . Et, cette forme d'inquiétude semble, à première vue, renouveler sous de multiples formes, cogitatives, individuelles, sensibles et, vraisemblablement, naturalisées et séculières les résonances lointaines et quêtes métaphysiques d'un Saint-Augustin, d'un Pascal ou d'un Kierkegaard: une infinité de choses dépassent l'entendement humain. Néanmoins, l'inquiétude existentielle du christianisme philosophique désignait-elle, chez Saint-Agustin en particulier, l'état d'âme en conflit avec son mode d'être "clair-obscur", temporel et mouvementé où elle apercevait une déchéance, un vide et un non-être. Eu égard à la foi, la quête augustinienne de la plénitude et de la "fixité" impliquait une irresponsabilité: l'état de minorité auquel l'homme est condamné ne peut assumer de bout en bout l'inquiétude. Inversement, l'écriture philosophique récupèrait à son compte ce qui était auparavant purifié dans la foi et par un amour sans faille. Les Confessions de Saint-Agustin justifiaient en quelque sorte l'inquiétude et la réinventaient comme fondement d'une sensibilité esthétique et d'un "individualisme" philosophique. Ces deux perspectives se complétaient et cohabitaient dans l'oeuvre augustinienne.
[...] Comme une éponge, la nature externe absorbe la nature interne. Et, pourtant il y a toujours un sujet conscience qui dans ses brisures et fissurations internes ressent les ruptures de la nature externe. Cette fois-ci les ruptures annoncées ou qui s'annoncent eux même prennent une forme spatiale et non temporelle. Si la dialectique hégélienne, méprisée, n'est plus d'actualité aujourd'hui c'est peut-être parce que la plasticité du quotidien, unilatéralement spatiale, consume la temporalité, ou du moins la contient et la travestit. [...]
[...] La ruse consiste à n'annoncer la rupture que pour y inscrire une continuité sans faille. La fin, terme bien en vogue de nos jours, c'est la fin de la fin comme finalité dernière; la fin de l'utopie des Lumières en Occident. Le cynisme actuel ne reconnaît que la valeur du positif, du donné, de ce qui est là tout simplement parce qu'il est là. La valeur est réduite aux limites d'une utilité immédiate qui n'est ni primordialement naturelle ni humaine, mais une utilité instituée par la valeur comme noeud de relations apparentes. [...]
[...] La psychogenèse de l'inquiétude chemine avec le devenir, problématique, de l'homme. Tant que l'existence précède l'essence, l'homme ne cesse pas de s'inquiéter. Car le "déjà là", l'en-soi ne détient aucune réponse aux interrogations qui, sans cesse, se renouvellent. Les réponses, si réponses y étaient, seraient toujours à venir. L'inquiétude n'est donc pas une limite, mais l'intérieur même de la métamorphose: elle est sentiment et concept du parcours risqué de l'en-soi vers le pour-soi. De la chose vers la conscience, et peut-être inversement[8]. [...]
[...] Seule l'altitude me permet de retracer le chemin parcouru, tout en me méfiant d'un regard qui risquerait d'être finaliste et téléologique. C'est la conscience aiguë du temps présent qui a ouvert la voie pour la découverte du passé. Marx disait que l'anatomie de l'homme est une clef pour l'anatomie du singe. C'est en ce sens qu'il était moderne. La fin de la modernité serait la mise à plat de l'histoire. Le différentialisme identitarisme est an-historique. Il signifie que les époques, les cultures, les situations et les prises de positions se valent. [...]
[...] de l'idée d'une raison uniforme et universelle. de la différenciation stricte des sphères culturelles, fondée sur une rationalité fonctionnelle. Un tel rejet reconduit vers le "conformisme généralisé", "l'agnosticisme politique", l'éclectisme et le respect des différences: "toutes les périodes sont équivalentes quant à leurs valeurs"[44]. D'où, pensons-nous, la grande et naïve contradiction d'un tel rejet esthético-différentialiste: réintroduire le conformisme et l'indifférence là même où il prétend redécouvrir la différence! Un esthétisme ludique et cynique donnera à chacun la chance de marquer sa différence. [...]
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