Si Rabelais déclare, dans Gargantua, que "le rire est le propre de l'homme", Samuel Beckett, dans sa pièce Fin de partie, fait dire à l'un de ses personnages que "Rien n'est plus drôle que le malheur".
De fait, selon ce romancier et dramaturge aux oeuvres réputées résolument pessimistes, l'homme serait naturellement enclin à rire des malheurs et déboires d'autrui, notamment... A ses yeux, ce serait même le mode du comique par excellence, ce qui a priori peut paraître paradoxal.
Nous allons donc nous interroger sur les conditions, les mécanismes et l'essence du comique, en nous efforçant de mettre en lumière les liens plus ou moins étroits avec le spectacle du malheur : dans quelle mesure le malheur peut-il précisément s'avérer être amusant ? (...)
[...] Autre exemple, l'humour de Jules Vallès, dans L'Enfant : le narrateur traite d'une enfance malheureuse. Pourtant, la gravité n'est pas longtemps de mise : le roman fait souvent sourire, comme si le rire permettait d'assumer les douleurs passées : le rire surgit souvent là où on ne l'attend pas. La façon de raconter contraste puissamment avec le sens des paroles ; face au malheur, le narrateur cherche une complicité dans le rire, non dans les larmes ; ce n'est pas hilarant, quelque chose nous émeut, bien sûr On retrouve une façon de procéder finalement assez proche dans Le Voyage au bout de la nuit de Céline : l'auteur parvient à tirer des effets comiques d'expériences malheureuses, grâce à une écriture truculente, au recours à l'humour noir, à des trouvailles linguistiques Pourtant, au fond, son propos n'a rien de drôle (la guerre C'est donc en fait un rire paradoxal, impur, face à quelque chose d'insoutenable ; Céline va jusqu'à rire de la mort, comme si c'était une réaction de défense, de fuite devant la réalité. [...]
[...] Rien n'est plus drôle que le malheur Samuel Beckett. Introduction. Si Rabelais déclare, dans Gargantua, que le rire est le propre de l'homme Samuel Beckett, dans sa pièce Fin de partie, fait dire à l'un de ses personnages que Rien n'est plus drôle que le malheur De fait, selon ce romancier et dramaturge aux œuvres réputées résolument pessimistes, l'homme serait naturellement enclin à rire des malheurs et déboires d'autrui, notamment A ses yeux, ce serait même le mode du comique par excellence, ce qui a priori peut paraître paradoxal. [...]
[...] Pour commencer, rien n'est plus drôle que le malheur, si et seulement si le traitement vise à l'obtention d'un certain effet comique. Tout d'abord, le théâtre, notamment, aime faire rire du malheur d'autrui. A cet égard, le cas de la farce s'avère particulièrement probant. En effet, la farce mobilise les registres du comique élémentaire (par exemple, à grands renforts de coups de bâtons, de gifles et coups de pieds aux fesses divers) : pour faire rire le spectateur, tous les moyens sont bons, en comme ! [...]
[...] Tout est pour ainsi dire comique et tout est tragique. Ionesco déclare ainsi : Le comique est tragique et le tragique de l'homme, dérisoire Le théâtre de l'absurde utilise le comique pour rattacher l'homme à l'absurde et au tragique de la condition humaine. Par exemple, Le Roi se meurt est une pièce qui peint l'absurdité, le malheur de la condition humaine : le roi jusqu'alors tout puissant de débat en vain contre une mort imminente. En pleine tragédie, le langage fait rire, désamorce la tension dramatique Dans La Cantatrice chauve, Ionesco propose une satire du milieu bourgeois, où s'enchaînent les préjugés, les banalités, les généralités Le langage fonctionne à vide, ce qui met en lumière le drame de la condition humaine, l'impossibilité de communiquer ; le comique et le malheur, le pathétique sont fondus dans le dérisoire. [...]
[...] Telle est, de façon schématique, la thèse de Bergson dans son ouvrage Le Rire. Il s'efforce d'y circonscrire les conditions de l'émergence du rire : il doit se rapporter au vivant ; il requiert l'insensibilité du lecteur (il ne faut alors jamais jouer sur l'émotion, qui tue le rire : tel est le cas de la pitié par exemple) ; il ne doit y avoir aucune résonnance sentimentale. Le détachement est en effet un point très important. Bergson affirme : Le comique exige, pour produire tout son effet, quelque chose comme une anesthésie momentanée du cœur. [...]
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